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Article

L’enjeu de la publicité de l’avortement ressurgit en Allemagne
L’enjeu de la publicité de l’avortement ressurgit en Allemagne
La condamnation d’un médecin a mis en lumière les contradictions législatives qui entourent l’interruption volontaire de grossesse outre-Rhin.
par Gilles Bouvaistle 18 décembre 2017

En condamnant fin novembre une médecin généraliste à 6 000 € d’amende pour non-respect de l’article 219, a, du code pénal allemand, le tribunal administratif de Gießen, dans l’État-région de Hesse, a ravivé le débat houleux qui entoure la question de l’avortement et le compromis politique instable sur lequel elle repose outre-Rhin.
Cette praticienne mentionnait sur le site de son cabinet qu’elle réalisait des interruptions volontaires de grossesse et renvoyait vers une documentation expliquant le déroulement de cette procédure. Or l’article 219, a, en question précise que « celui qui en public, dans un rassemblement ou par la diffusion d’écrits, pour son avantage financier ou de façon offensante, propose, annonce, promeut ou fait connaître : 1) ses propres services ou ceux d’un tiers pour effectuer ou encourager un avortement, ou 2) les moyens, conditions ou procédures destinés à interrompre une grossesse […] est passible d’une peine de privation de liberté allant jusqu’à deux ans ou d’une contravention ». Ce qui implique qu’un médecin exécutant des avortements ne peut pas le signaler publiquement. Les femmes souhaitant mettre un terme à leur grossesse sont donc entravées dans leur demande d’information : un moteur de recherche ne les orientera pas vers un site médical ou institutionnel, mais vers des sites antiavortement.
L’affaire a déclenché un tollé, plusieurs partis politiques, dont les sociaux-démocrates du SPD et les Verts, réclament l’abolition de cet article du code pénal, et une pétition de soutien en faveur de cette médecin a recueilli 150 000 signatures. Cette décision a aussi remis en lumière un article de loi à l’histoire pour le moins controversée. Visant à interdire la « publicité de l’avortement », il a en effet été introduit le 26 mai 1933 par le régime national-socialiste dans le cadre d’une « loi sur l’élargissement des normes de droit pénal », visant à renforcer 20 normes du code pénal (aux côtés d’autres délits comme les violences faites aux animaux, l’escroquerie ou la prostitution).
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le paragraphe 219, a, subsistera, les forces alliées estimant que celui-ci ne relève pas de l’idéologie nazie. En 1974, la coalition sociale-libérale au pouvoir amende le paragraphe 218 relatif à l’avortement, en ajoutant un délai de douze semaines pendant lequel celui-ci est possible. Le délit de publicité demeure néanmoins, afin, selon le législateur, de permettre que « l’interruption de grossesse ne soit ni banalisée ni commercialisée ». Mais un recours des élus chrétiens-démocrates (CDU) et chrétiens-sociaux (CSU) devant la Cour constitutionnelle fédérale en 1975 bloque la réforme : « La vie se développant dans le corps de la mère, en tant qu’objet juridique, est protégée par la Constitution », estiment les juges de Karlsruhe, qui ajoutent que « le devoir de protection de l’État interdit non seulement les intrusions directes de l’État dans la vie qui se développe, mais requiert également de celui-ci qu’il se pose en défenseur de cette vie ». Un an plus tard, la même coalition parvient à trouver un compromis, maintenant l’interdiction de l’avortement mais en limitant les risques de poursuite pénale.
En 1993, la loi reviendra devant la Cour constitutionnelle, qui tranche à nouveau dans le même sens. Puis, en 1995, au terme d’une nouvelle réforme, le délit n’est pas constitué si l’interruption volontaire de grossesse est mise en œuvre pendant les douze premières semaines par un médecin et après un entretien. Mais la nature même de cet entretien demeure problématique : comme le note Ulrike Lembke, professeure enseignant le droit du genre à l’université de Hagen, le code pénal insiste sur le fait que cet entretien de conseil vise à protéger la vie qui doit naître et inciter la femme à poursuivre sa grossesse, tandis que l’article 5 de la loi visant à prévenir les conflits relatifs à une grossesse (Schwangerschaftskonfliktgesetz) précise que cet entretien doit être « ouvert » et qu’il doit « réconforter et susciter la compréhension, plutôt que de donner des leçon et parler à la place de la personne ».
La décision du tribunal de Gießen a en tout cas ravivé une polémique presque disparue du débat public depuis les années 1970. La médecin condamnée et ses avocats ont annoncé leur décision de faire appel et de porter l’affaire devant la Cour constitutionnelle. D’autres voies de recours sont en outre possibles, comme le souligne Jörg Gerkrath, enseignant en droit européen à l’université de Luxembourg et qui vient de publier une tribune suggérant de faire valoir une question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. Il estime que cet article 219, a, sur la publicité de l’avortement entre en conflit avec l’article 56 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne relatif à la libre prestation des services au sein de l’Union : « Il faudra que la gynécologue et ses avocats aillent en appel et qu’ils soulèvent devant le juge allemand cette contradiction au droit de l’Union européenne, avance Jörg Gerkrath. Au sein de la CJUE, il y a en effet une jurisprudence bien établie sur cette question : il s’agit bien d’une restriction de la prestation de service et cette restriction est très certainement disproportionnée. Qui plus est, elle ne respecte pas le droit fondamental de la liberté d’expression et d’information ».
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