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L’usage des biais cognitifs afin d’influencer ou de tromper les consommateurs. Les dark patterns mis en œuvre par les places de marché, dénoncés par l’UFC-Que Choisir

Malgré leur interdiction au sein de l’Union européenne, les dark patterns (ou interfaces trompeuses) continuent de prospérer sur les places de marché en ligne. Dans une récente étude, l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir (UFC-Que Choisir) alerte sur ces dérives et annonce saisir les régulateurs afin de sanctionner ces pratiques qui biaisent fortement les choix effectués par les consommateurs.

Une pratique omniprésente en ligne - Qui ne s’est jamais agacé en cherchant la commande permettant de refuser tous les cookies ? Qui n’a jamais été pressé de faire un choix par des indications en ligne du type « dernière place disponible à ce prix » ou encore « Trois autres acheteurs consultent cette offre en même temps que vous » ? Si le mot de dark pattern ne vous évoque rien à la première lecture, il y a peu de chance en réalité que vous n’ayez jamais été confronté à ces incitations très fréquentes en ligne, qui s’inscrivent dans le cadre de l’économie de l’attention. C’est à ce procédé que s’attaque l’UFC-Que Choisir dans son étude publiée en juin 2024.

Économie de l’attention - « Au-delà des données, l’attention des individus est devenue la principale ressource que les interfaces numériques cherchent à capter » (C. Zolynski, M. Le Roy et F. Levin, L’économie de l’attention saisie par le droit. Plaidoyer pour un droit à la protection de l’attention, Dalloz IP/IT 2019. 614 ). Aujourd’hui largement documentée, l’économie de l’attention « repose, entre autres, sur un alliage entre l’exploitation des données personnelles, des dispositifs de recommandation de contenus personnalisés grâce aux algorithmes, des mécanismes de fragmentation de l’attention, des récompenses aléatoires variables ainsi qu’un design sans cesse amélioré par des équipes de marketeurs, d’ingénieurs, de designers et de spécialistes des sciences comportementales » (ibid.). C’est sur ce modèle que sont fondés la plupart des services numériques proposés par les plateformes. Un ancien ingénieur de Google, Tristan Harris, a alerté sur ces pratiques en 2016 et contribué à fonder le mouvement Time Well Spent devenu Center for Humane Technology ayant notamment pour but de sensibiliser à l’existence de mécanismes intentionnels de capture de l’attention.

Dark patterns et biais cognitifs - Le terme de dark patterns (on parle aussi d’interfaces trompeuses ou de procédés manipulatoires) est né sous la plume d’un designer UX (user experience) londonien du nom de Harry Bignul en 2010, pour désigner des interfaces qui tirent parti des biais cognitifs humains afin d’inciter leurs utilisateurs à faire des choix de manière inconsciente. Les biais cognitifs sont « des réflexes de pensée humaine faussement logiques, inconscients et systématiques. À l’origine, leur fonction est de permettre au cerveau humain d’économiser du temps et de l’énergie en développant des raccourcis mentaux. Le concept de biais cognitif a d’abord été introduit par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie en 2002) et Amos Tversky pour expliquer certaines tendances vers des décisions irrationnelles dans le domaine économique. Depuis, une multitude de biais intervenant dans plusieurs domaines ont été identifiés par la recherche en psychologie cognitive et sociale » (B. Jeulin, « Dark pattern » : comment le droit se saisit-il de l’exploitation de nos biais cognitifs ?, Village de la Justice, 26 août 2021).

Influence des dark patterns sur les consommateurs - L’étude expose certains biais particulièrement à l’œuvre sur les consommateurs comme l’effet d’ancrage, l’aversion à la perte, la surcharge informationnelle, l’effet de cadrage, l’effet d’actualisation hyperbolique ou encore le...

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