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Salarié protégé : nullité du licenciement et remboursement des indemnités de chômage

La Cour de cassation refuse que, dans ses rapports avec l’organisme d’assurance chômage, le salarié protégé dont le licenciement est annulé cumule les allocations de chômage avec ses rémunérations ou une indemnité équivalente.

par Bertrand Inesle 15 décembre 2014

Il est, depuis longtemps, acquis qu’un salarié protégé, dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé sans autorisation administrative ou malgré un refus d’autorisation administrative, a droit, s’il demande sa réintégration, au versement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration (V. not. Soc. 17 oct. 1989, n° 87-41.174, Bull. civ. V, n° 596 ; 16 oct. 2013, n° 12-17.883, Dalloz jurisprudence). Il s’agit là, en partie, d’une manifestation de l’effet rétroactif de la nullité (sur la rétroactivité de la nullité, comp. Civ. 1re, 16 juill. 1998, n° 96-18.404, Bull. civ. I, n° 251 ; R., p. 252 ; D. 1999. 361 , note P. Fronton ; RTD civ. 1999. 620, obs. J. Mestre ; RTD com. 1999. 488, obs. B. Bouloc ; Defrénois 1998. 1413, obs. J.-L. Aubert ; 15 mai 2001, n° 99-20.597, Bull. civ. I, n° 133 ; D. 2001. 3086 , obs. J. Penneau ; RDSS 2001. 780, obs. G. Mémeteau et M. Harichaux ; ibid. 781, obs. G. Mémeteau et M. Harichaux ; RTD civ. 2001. 699, obs. N. Molfessis ). Si l’acte de licenciement est nul, il est censé n’avoir jamais existé ; le salarié est donc réputé avoir toujours été à la disposition de l’employeur, en contrepartie de quoi il aurait dû percevoir son salaire. Mais les effets de la nullité ne sont pas cantonnés aux parties à l’acte annulé ou à l’auteur et au destinataire de cet acte. Ils doivent pouvoir s’étendre aux tiers lorsque l’acte est une condition nécessaire à l’existence d’un droit dont bénéficie le tiers ou d’une obligation dont il a la charge (V. J.-Cl. Civil code, fasc. 50,  Contrats et obligations ; Nullité ou rescision des conventions ; Effets de la nullité, par S. Sana-Chaillé de Néré, n° 47 ; F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, coll. « Précis », 2005, n° 431). Or le licenciement permet au salarié, à certaines conditions (C. trav., art. L. 5422-1), de bénéficier de l’assurance chômage et, surtout, de percevoir les allocations idoines. Si le licenciement est censé n’avoir jamais existé et le salarié avoir été toujours salarié, le droit à ces indemnités devrait également être remis en cause. L’organisme gestionnaire de cette assurance peut-il donc en demander le remboursement auprès du salarié protégé dont le licenciement est nul pour non-respect du statut protecteur et qui a demandé sa réintégration ?

La Cour de cassation considère, d’abord, que, dans ses rapports avec l’organisme d’assurance chômage, le salarié dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé sans autorisation administrative ou malgré un refus d’autorisation n’est pas fondé à cumuler les allocations de chômage avec ses rémunérations ou une indemnité équivalente à celles-ci. Elle approuve, ensuite, les juges du fond, qui ont constaté que le salarié avait obtenu la condamnation de son employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de salaire pour la période comprise entre son licenciement nul et sa réintégration, d’avoir décidé que le paiement des allocations de chômage versées par l’organisme d’assurance au titre de cette période s’est révélé indu.

Le salarié protégé, s’il demande sa réintégration consécutive à la nullité de son licenciement et qu’il obtient, de ce fait, une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration, ne peut conserver le bénéfice des allocations de chômage perçues pendant cette période et doit donc restituer à Pôle emploi les sommes perçues à ce titre. Il y aurait, selon la Cour, un indu au sens des articles 1235, 1376 et 1377 du code civil. L’indemnité octroyée au salarié protégé et réintégré vise à compenser la perte des salaires qui auraient été perçus si le licenciement, par la suite annulé, n’avait été prononcé. Or les indemnités de chômage remplissent précisément cette fonction. Surtout, elles ne sont octroyées qu’au salarié ayant perdu son emploi et dépourvu de toute source de rémunération, tout du moins équivalente au montant des indemnités auxquelles il a droit. La nullité produisant ses effets de manière rétroactive, l’organisme en charge de la gestion de l’assurance chômage s’est alors trouvé débiteur d’une dette qui a rétrospectivement disparu. Il s’agit là d’un cas d’indu objectif et ultérieur (Rép. civ., Répétition de l’indu, par M. Douchy-Oudot, nos 18 et 19 ; pour des applications, V. Soc. 16 mai 2000, n° 98-12.571, Bull. civ. V, n° 185 ; D. 2000. 174 ; Dr. soc. 2000. 812, obs. C. Radé ; RDSS 2000. 858, obs. M. Badel, I. Daugareilh, R. Lafore et C. Willmann ; 25...

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