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La surveillance nocturne des DPS dans le viseur du Défenseur des droits

La Défenseure des droits estime que le placement automatique des détenus particulièrement signalés (DPS) sous le régime de la surveillance nocturne renforcée, qui implique des rondes et l’allumage répété des cellules pendant la nuit, constitue un traitement inhumain et dégradant qui les prive de leur droit à la dignité en détention et méconnaît leur droit à un recours effectif.

« Les lieux de privation de liberté obéissent la nuit à des règles et procédures pour partie différentes de celles qui prévalent la journée » (CGLPL, La nuit dans les lieux de privation de liberté, Dalloz, 2019, p. 1). En l’occurrence, la sécurité, la surveillance et la gestion des personnes détenues y sont repensées, tant au regard de leurs régimes de détention que des pratiques des personnels pénitentiaires. L’enjeu est majeur, il s’agit du « droit au sommeil » des personnes détenues, et de ses éventuelles incidences sur leur santé et leur dangerosité. Dans la décision soumise à l’étude, deux questions se posaient à propos de leur « droit au sommeil ». Le seul statut de détenu particulièrement signalé (DPS) justifie-t-il le placement sous surveillance nocturne renforcée ? Cette mesure est-elle conforme aux articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme ?

Le contexte

Il faut d’abord rappeler que le placement sous le régime de DPS n’est pas en soi contraire à la Convention européenne (§ 25). Autrement dit, il est conforme aux articles 3 (interdisant les traitements inhumains et dégradants), et 8, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale, sous réserve qu’il respecte certaines conditions (CE 30 déc. 2015, n° 383294, Observatoire international des prisons – Section française, § 10 ; v. égal. CE 7 déc. 2015, n° 393668, Garde des Sceaux, Min. de la Justice, Dalloz actualité. 22 déc. 2015, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2015. 2415 ; D. 2016. 1220, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ). D’une part, ce régime ne peut être systématique, et doit donc faire l’objet d’un examen de nécessité et de proportionnalité lors de son prononcé et de son renouvellement (RPE, art. 49, 51.1, 53.1). D’autre part, les mesures de « sécurité » qui y sont adjointes doivent respecter le standard de respect de la dignité humaine (tel qu’il est établi par le droit européen) et les besoins de la personne détenue en matière de « santé » et de « bien-être » (CEDH 17 avr. 2012, Piechowicz c. Pologne, req. n° 20071, § 162 ; v. égal. 2 juill. 2019, n° 27057/06, Gorlov e.a. c. Russie, D. 2020. 1195, obs. J.-P. Céré, J. Falxa et M. Herzog-Evans ; AJ pénal 2020. 38, obs. M. H-Evans ; 28 nov. 2017, n° 70838/13, Antovic et Mirkovic c. Monténégro, D. 2018. 138, obs. J.-F. Renucci ; 1er juin 2004, n° 8704/03, Van der Graaf c. Pays-Bas). En droit interne, ce régime est prévu par la combinaison des articles 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, qui prévoit le respect de la dignité de la personne détenue, même si elle est soumise à des mesures de sécurité, et D. 272 du code de procédure pénale, lequel prévoit les modalités de sa surveillance nocturne (v. égal., pour le régime de la surveillance nocturne, Notes, 30 oct. 2018 relative à l’organisation des rondes de nuit ; Circ. 15 oct. 2012, relative au répertoire des détenus particulièrement signalés, NOR : JUSD1236970C ; note n° 01477, 15 oct. 2010, relative aux surveillances spécifiques ; note n° 000350, 31 juill. 2009, relative à la définition des modalités de surveillance spécifique des personnes détenues).

En l’espèce, un individu inscrit au registre des détenus particulièrement signalés (DPS) est placé sous un régime de surveillance nocturne renforcée dans un premier établissement pénitentiaire, dès 2013. Cette mesure s’intensifie ensuite, jusqu’à être annulée par le tribunal administratif le 30 juin 2016, lequel considère qu’une inscription au registre DPS ne peut entraîner automatiquement la mise en œuvre d’un régime de...

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