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Transport dans un lieu clos aux fins de constatations matérielles : voyage aux frontières des perquisitions

La chambre criminelle dénie la qualification de perquisition aux opérations consistant à se transporter au domicile d’un avocat pour y prendre des photographies et établir un plan des lieux. À la place, elle retient qu’il s’agit du transport dans un lieu clos pour y effectuer toute constatation utile, acte d’instruction n’exigeant pas le respect du régime des perquisitions en cabinet d’avocat visé à l’article 56-1 du code de procédure pénale. 

Le régime des perquisitions dans les cabinets d’avocats et autres lieux assimilés a été modifié par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. La réforme a notamment imposé au magistrat souhaitant la réaliser d’obtenir la délivrance préalable d’une décision favorable du juge des libertés et de la détention. Elle a également étoffé les possibilités du mis en cause de s’opposer aux saisies et le recours afférent. Depuis, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser le contenu des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale, notamment sur le domaine des documents protégés (Crim. 5 mars 2024, n° 23-80.110, Dalloz actualité, 13 mars 2024, obs. T. Scherer ; D. 2024. 485 ; AJ pénal 2024. 281, obs. Y. Patouillard ) ou le droit à l’assistance par un avocat lors de l’audience de recours (Crim. 5 mars 2024, n° 23-80.229, Dalloz actualité, 12 mars 2024, obs. T. Scherer ; D. 2024. 1218 , note P. Le Monnier de Gouville ; ibid. 1435, obs. J.-B. Perrier ; AJ pénal 2024. 281 ; RSC 2024. 453, obs. E. Rubi-Cavagna ). Un arrêt du 23 octobre 2024 de la Cour de cassation évoque aussi l’article 56-1 du code de procédure pénale. Toutefois, sa portée dépasse largement le régime des investigations menées dans les cabinets d’avocat, car elle apporte une précision à la définition des perquisitions, ce qui a une incidence sur la qualification que peuvent recevoir certains actes d’enquête et d’instruction.

Un avocat a été mis en examen pour viols et agression sexuelle. Dans le cadre de l’information judiciaire, le juge d’instruction a avisé les parties, leurs avocats et le bâtonnier qu’il se transportait au domicile du mis en examen afin de prendre des photographies et d’établir un plan des lieux. Le 20 septembre 2023, le magistrat s’est rendu au domicile de l’avocat. Le bâtonnier s’est déplacé, mais pas l’intéressé et son conseil. Ceux-ci ont présenté une requête en annulation de la mesure. La chambre de l’instruction a rejeté la demande aux motifs que l’article 56-1 du code de procédure pénale n’était pas applicable aux opérations menées en l’espèce, car il n’était pas établi que des pièces à conviction aient été recherchées ou saisies, que le bâtonnier était présent et que toutes les précautions avaient été prises pour garantir les droits de la défense et le secret professionnel de l’avocat mis en cause.

Pour l’avocat, le fait qu’il n’y ait pas eu de saisie et que le magistrat instructeur se soit borné à des constatations visuelles est indifférent. Dans son pourvoi, l’auxiliaire de justice mis en examen a fait valoir que les opérations menées en l’espèce constituaient bien une perquisition dès lors qu’elles comportaient une visite dans un local fermé pouvant recevoir la qualification de domicile. Or, étant donné qu’elles avaient eu lieu au domicile d’un avocat, les prescriptions de l’article 56-1 du code de procédure pénale auraient dû être respectées, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. En effet, les opérations n’avaient pas été autorisées par un juge des libertés et de la détention. Dans la deuxième branche du second moyen, le pourvoi a soutenu que l’irrégularité en cause est d’ordre public, ce qui le dispensait de démontrer l’existence d’un grief pour obtenir l’annulation de l’acte.

Dans sa décision du 23 octobre 2024, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Dans un attendu, elle déclare que le transport dans un lieu clos pour effectuer toutes constatations utiles, sans procéder à aucune fouille ou saisie, ne constitue pas une perquisition. Par voie de conséquence, le régime des perquisitions dans les cabinets d’avocats et autres lieux assimilés n’était pas applicable, et les opérations qui avaient eu lieu étaient donc régulières.

La qualification des opérations en cause

Pour savoir si l’article 56-1 du code de procédure pénale s’applique, il est indispensable de qualifier juridiquement les actes d’investigation en cause. Tout l’enjeu dans l’affaire était de savoir s’ils constituaient une perquisition ou non. La doctrine a déjà proposé différentes définitions de la perquisition. Il s’agirait du « fait, pour la police, de pénétrer dans un domicile ou dans un lieu clos afin de rechercher des biens susceptibles d’être saisis »...

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