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Eclaircissements sur deux notions fondamentales du droit contemporain des contrats: l’indivisibilité contractuelle et l’obligation essentielle

Ces concepts fondamentaux ont été affinés par la Cour de cassation dans une hypothèse de fourniture d’une solution informatique, où le logiciel promis n’a pu être livré, rendant inutiles les contrats qui se greffaient autour de lui.

par X. Delpechle 5 mars 2007

Indivisibilité contractuelle et manquement du débiteur à une obligation essentielle sont au menu de cet important arrêt rendu à propos d’un contrat de prestation informatique. Il s’agit là, on le sait, de deux notions aussi essentielles que controversées du droit contemporain des contrats, qui présentent la caractéristique d’être toutes deux une application de la théorie de la cause, dont on connaît la vitalité en jurisprudence et en doctrine, en tant qu’instrument de justice contractuelle (V. J.-P. Chazal, Théorie de la cause et justice contractuelle, JCP 1998. I. 152 ; J.-M. Guéguen, Le renouveau de la cause en tant que qu’instrument de justice contractuelle, D. 1999, Chron. 352 ).

En l’occurrence, pas moins de quatre conventions avait été conclues entre un prestataire informatique et son client, une entreprise industrielle : mise à disposition d’un progiciel (le célèbre « Oracle application »), sous forme d’un contrat de licence ; contrat de maintenance (par lequel le prestataire s’assure du bon fonctionnement du progiciel, en corrigeant les pannes ou les anomalies, voire procède aux évolutions demandées par l’utilisateur) ; contrat de mise en œuvre (destiné à rendre le progiciel parfaitement opérationnel par l’adaptation de ses fonctions standards aux besoins particuliers du client) ; enfin, contrat de formation (sur ces différents contrats, V. Ph. le Tourneau, Contrats informatiques et électroniques, 4e éd., 2006, Dalloz). Or, lors de la signature du premier contrat, qui est en même temps le plus important, le « contrat souche » pourrait-on dire, car c’est sur lui que se greffe tous les autres, le logiciel proposé n’était pas encore disponible. Certes, dans l’attente de cette livraison, une solution provisoire a bien été proposée par le prestataire, mais qui n’a pas donné satisfaction. Aussi le client a-t-il cessé de payer les redevances prévues par le contrat de licence, avant de solliciter, avec succès, la résolution de celui-ci, puis la résiliation des trois autres et la condamnation de l’entreprise informatique à des dommages-intérêts.

I. La résolution du contrat de licence constitue effectivement la conséquence inéluctable du manquement du prestataire informatique, car elle vient, en application de l’article 1610 du Code civil, texte relatif au droit de la vente, mais ici transposable, sanctionner le défaut de délivrance dans le délai convenu. La « résiliation » des trois autres ne va en revanche pas de soi, car il s’agit, juridiquement, de contrats distincts, même s’ils lient tous les mêmes parties. Pourtant, l’interdépendance contractuelle constitue un fondement prétorien (car la loi crée parfois d’autorité un tel lien, par ex. en matière de crédit à la consommation ; V. C. consom., art. L. 311-21, al. 1er), précieux pour le client, légitimement désireux de rompre le lien contractuel dans sa globalité, le maintien des contrats annexes ne lui étant d’aucune utilité. Cette interdépendance ou indivisibilité contractuelle va lui permettre d’obtenir l’anéantissement de ces contrats, par la...

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