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Questions à… Olivier Dord, professeur à l’université Paris X – Nanterre

Le professeur Olivier Dord était co-rapporteur général de la commission présidée par Pierre Mazeaud sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration. Après la remise du rapport, le 11 juillet 2008, à Brice Hortefeux, il a accepté de répondre aux questions de l’AJDA sur ces propositions. Selon lui, « il faut créer, entre le préfet et le juge, un sas où l’étranger pourrait s’expliquer ».

Le gouvernement avait demandé des propositions pour instaurer des quotas d’immigration et unifier le contentieux des étrangers. Et finalement, la commission répond, sur les deux points, que ce n’est pas possible ou pas souhaitable. Pourquoi ?

La commission, à partir de la lettre de mission, a opéré un travail de distinction entre les interrogations légitimes des pouvoirs publics et des réponses peut-être simples, voire simplistes qui ont pu être envisagées. Les interrogations légitimes portaient notamment sur le fait que les pouvoirs publics disposent d’une marge de manœuvre extrêmement réduite sur les flux migratoires, puisque c’est sur moins de 5 % des 180 000 immigrés qui arrivent en France régulièrement que les pouvoirs publics peuvent influer. En effet, la plus grande partie de cette immigration entre dans le cadre du regroupement familial et de l’asile, tous deux protégés par des principes constitutionnels et conventionnels, l’asile étant d’ailleurs hors du champ d’étude de la commission. Ceci pose donc une légitime question de souveraineté.

La deuxième interrogation, également légitime, est liée à la volonté de simplifier un droit des étrangers fort complexe, qui se traduit notamment par l’intervention de deux juges : le juge administratif et le juge judiciaire. Dans un premier temps, une réflexion un peu simpliste, est de dire : on va faire des quotas et comme cela, on va récupérer une partie de notre souveraineté. Et, pour le contentieux, un seul juge, ce sera bien mieux. La commission s’est attachée à montrer que les choses sont plus compliquées. Ce qu’on croit être, de prime abord, des réponses adaptées se heurte à des obstacles juridiques, mais aussi humains et psychologiques.

Plus précisément, à quels obstacles se heurte l’instauration de quotas ?

La polysémie de cette notion est trompeuse. Au sens de la lettre de mission, plafonds juridiquement contraignants de titres de séjour, les quotas se heurtent à des obstacles, juridiques, d’ordre à la fois constitutionnel et conventionnel. Pour atteindre l’objectif du gouvernement qui est de faire passer de 10 à 50 %, le taux de l’immigration économique par rapport à l’immigration « protégée », l’immigration « choisie » par rapport à l’immigration « subie », les solutions ne sont pas légion. Il faut, soit minorer l’immigration protégée, soit augmenter l’immigration économique, soit jouer sur les deux. Or, restreindre l’immigration protégée n’est pas possible. Il faudrait, d’abord, réviser la Constitution pour déroger au principe d’égalité et surtout au droit à la vie familiale et à la liberté du mariage. Et si on le faisait, il resterait l’obstacle conventionnel. Car le regroupement familial est protégé par l’article...

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