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Versement des allocations familiales et discrimination fondée sur la nationalité

Soumettre le bénéfice des allocations familiales à la production d’un document attestant d’une entrée régulière des enfants en France constitue une discrimination directement fondée sur la nationalité.

par Nicolas Kilgusle 11 avril 2013

Par deux arrêts rendus en assemblée plénière, le 5 avril 2013, offerts à une publicité maximale (P+B+R+I et un communiqué), la Cour de cassation a dû se prononcer sur la compatibilité de trois articles du code de la sécurité sociale avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Convention internationale des droits de l’enfant, d’une part, et avec les accords d’association signés entre l’Union européenne et la Turquie et l’Algérie, d’autre part.

Issues de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale et du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, ces dispositions sont relatives au versement des allocations familiales et prévoient que les travailleurs migrants titulaires d’un titre de séjour régulier doivent prouver que leurs enfants nés à l’étranger sont entrés régulièrement en France. En particulier, ceux entrés au titre du regroupement familial devront produire un certificat médial délivré par l’Office français de l’intégration et de l’immigration (CSS, art. L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2). Elles mettent, par conséquent, fin à la jurisprudence selon laquelle une personne de nationalité étrangère en situation régulière en France pouvait prétendre aux prestations familiales pour ses enfants entrés sur le territoire national hors de la procédure du regroupement familial (Cass., ass. plén., 16 avr. 2004, Bull. ass. plén., n° 8 ; Civ. 2e, 6 déc. 2006, Bull. civ. II, n° 342).

S’agissant des deux premiers textes évoqués par le requérant, la Cour de cassation considère « que ces dispositions qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant ».

Rappelons ici que l’article 14 susvisé profite depuis quelques années d’une certaine extension de son champ d’application, la Cour de Strasbourg ayant, depuis l’arrêt Gaygusuz c. Autriche (CEDH 16 sept. 1996, D. 1998. 438, note Marguénaud et Mouly), fait pénétrer le principe de non-discrimination sur le terrain des droits sociaux par une interprétation large de la notion de bien au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel. En ce référant implicitement à cette jurisprudence, le Conseil d’État a ainsi déjà pu admettre l’applicabilité de ces dispositions à des griefs de discrimination en matière d’allocations familiales (CE 5 mars 1999, n°...

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