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La défense Eric Dupond-Moretti

Après l’acquittement, jeudi 31 octobre, du docteur Jean-Louis Muller, condamné deux fois aux assises pour le meurtre de sa femme, retour sur l’ardente défense son avocat, Eric Dupond-Moretti.

par Marine Babonneaule 5 novembre 2013

Cour d’appel de Nancy. 17h50. La présidente de la cour d’assises entre dans la salle d’audience, accompagnée des jurés. Deux minutes plus tard, Jean-Louis Muller est acquitté. Il faut quelques secondes pour que la famille de l’accusé réalise que c’est « Non », qu’il n’est pas condamné, que c’est un terme définitif à quatorze ans de procédure. Alors, un premier cri déchire le silence presque morbide qui planait dans la salle de la cour d’assises. Puis ce sont les suffocations de soulagement des enfants du médecin. Jean-Louis Muller s’est écroulé, lui, dans le box. Il pleure. Son avocat, Eric Dupond-Moretti l’enlace. Ce dernier peut bien dire, face aux caméras, que c’est d’abord « une victoire de la justice sur l’injustice » et non pas « celle de la défense », personne n’est dupe. C’est aussi – et d’abord – la victoire d’Eric Dupond-Moretti.

Lundi 21 octobre, à l’ouverture du troisième procès du docteur Jean-Louis Muller, accusé d’avoir tué en 1999 sa femme, retrouvée dans le sous-sol de la maison familiale, le crâne éclaté par un tir d’arme à feu, le soleil inonde l’immense salle d’audience nancéienne dont les fenêtres donnent sur le parc de la Pépinière. Eric Dupond-Moretti est en forme. L’éternelle cigarette au bec, il veut en découdre avec les experts et les témoins qui, selon lui, ne démontrent rien, ne prouvent rien (lire notre article). C’est ce qu’il va faire, à son habitude, effaçant pendant ces neuf jours d’audience l’accusé, la partie civile et, dans une moindre mesure, l’avocat général. Lorsque les premiers experts sont appelés à déposer, Eric Dupond-Moretti trépigne, commente, secoue la tête, farfouille dans ses dossiers, s’énerve et se lève pour dire son agacement. C’est le jeu, déstabiliser et se faire entendre d’abord ainsi par les jurés, qui sont les seules personnes qu’il veut convaincre. Quand un gendarme a la mémoire qui flanche ou qu’il est imprécis, l’avocat lillois demande « Des suicides expliqués, vous en avez déjà vu dans votre carrière ? ». Et, « vous avez constaté des traces de lutte entre époux ? Sur les vêtements, des traces de poudre ? L’enfant dans la maison, a-t-il été entendu ? […] Des problèmes de couple, dites, ça fait pas de lui un meurtrier, si ? À la rigueur, pas un bon mari […] Est-ce qu’il a un mobile pour tuer sa femme ? ». Les experts répondent mal, ou peu. Le personnage est, il est vrai, impressionnant. Il prend tout l’espace, ne laisse que des miettes à ses opposants. Mais ses mots frappent juste et au bon moment. Sa précision ironique, parfois scientifique, tranche avec les incohérences d’une enquête,...

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