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Réglementation de l’assistance médicale à la procréation et respect de la vie privée et familiale

Ne viole pas l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme la législation qui restreint l’accès à certaines techniques d’assistance médicale à la procréation.

par Nicolas Le Rudulierle 15 novembre 2011

Alors qu’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 1er avril 2010 avait suscité de nombreux commentaires en reconnaissant la violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (Convention EDH) dans les dispositions du droit autrichien qui prohibe le recours à certaines techniques de procréation médicalement assistée (CEDH 1er avr. 2010, S. H. et al. c. Autriche, n° 57813/00, RTD. civ. 2010. 291, obs. Marguénaud  ; ibid. 774, obs. J. Hauser ; Constitutions 2010. 430, obs. Bioy ), la décision, objet du présent commentaire, qui réfute l’existence d’une telle méconnaissance, n’en demeure pas moins tout aussi riche d’enseignements.

Les juges de Strasbourg étaient appelés à se prononcer sur la requête formée par deux couples qui, pour satisfaire leur désir d’enfant, n’avaient d’autre possibilité que de recourir à une fécondation in vitro – avec don d’ovules pour l’un et don de sperme pour l’autre – alors que la loi autrichienne interdit les procédés hétérologues, c’est-à-dire faisant appel à un tiers donneur.

Bien que réfutant la violation de l’article 8, la grande chambre admet son applicabilité au litige qui lui était soumis. Ce faisant, elle intègre les questions relatives à la procréation médicalement assistée dans la sphère de la vie privée et familiale permettant de ce fait un contrôle de l’éventuelle ingérence des États. Elle continue ainsi la construction jurisprudentielle qu’elle avait entreprise dans l’arrêt Evans où elle a rattaché à ce domaine le respect par les États membres de la décision de devenir parent (CEDH 7 mars 2006, Evans c. Royaume-Uni, n° 6339/05, D. 2007. 1202, obs. C. Delaporte-Carré ; ibid. 2008. 1435, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; RDSS 2007. 810, note D. Roman ; RTD civ. 2007. 295, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 545, obs. J. Hauser ). Cette protection au titre de la vie privée due à la procréation avait également été consacrée dans le célèbre arrêt Dickson (CEDH 18 avr. 2006, Dickson c. Royaume-Uni, n° 44362/04, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss ; D. 2008. 1435, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2008. 47, obs. M. Herzog-Evans ; RSC 2008. 140, obs. J.-P. Marguénaud et D. Roets ; RTD civ. 2008. 272, obs. J. Hauser ) mais celui-ci ne concernait que les procédés homologues. C’est donc notamment sur ce point qu’innove la présente décision en élargissant le rayonnement de l’article 8 au recours à un tiers donneur en vue de satisfaire au désir procréateur du couple.

Il est intéressant de relever que la grande chambre rejette le raisonnement du gouvernement autrichien tendant à expliquer la prohibition du don d’ovules par les risques liés à l’exploitation des femmes et à la marchandisation des produits du corps humain. Ces arguments font, en effet, directement écho aux débats que la France a pu connaître au sujet de la prohibition des conventions de gestation pour le compte d’autrui (Cass., ass. plén., 31 mai 1991, Bull civ. n° 4 ; D. 1991. 417, rapp. Y. Chartier ; ibid. 318, obs. J.-L. Aubert , note D. Thouvenin ; ibid. 1992. 59, obs. F. Dekeuwer-Défossez ; GAJC, 12e éd. 2007. n° 50 ; GADS 2010. n° 17 ; Rev. crit. DIP 1991. 711, note C. Labrusse-Riou ; RTD civ. 1991. 517, obs. D. Huet-Weiller ; ibid. 1992. 88, obs. J. Mestre ; ibid. 489, étude M. Gobert ; Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-17.130, n° 10-19.053, n° 09-66.486, D. 2011. 1522,...

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