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Aide juridique : des recommandations à l’échelle européenne

Le 23 mars 2018, le Conseil national des barreaux européens (CCBE) a mis en ligne une série de recommandations sur l’aide juridique « en tenant compte des évolutions les plus récentes qui ont eu lieu » depuis le premier rapport du 22 octobre 2010.

par Thomas Coustetle 5 avril 2018

Le dispositif de l’aide juridique « constitue un outil indispensable pour garantir l’accès à la justice », rappelle le CCBE. Les résultats de l’enquête menée par la commission dédiée à l’aide juridique ont servi à l’élaboration d’un nouvel ensemble de recommandations sur l’aide juridique dans tous ses aspects :

  • l’indépendance des prestataires et leur qualification ;
  • les honoraires des avocats de l’aide juridique ;
  • la facturation des frais ;
  • la budgétisation de l’aide juridique par l’État ;
  • l’administration de l’aide juridique.

Si l’ensemble de ces observations constitue une simple invitation à la réflexion destinée aux États membres, en somme du « droit mou », le projet de loi de programmation de la justice 2018-2022 porté par le garde des Sceaux aménage déjà quelques améliorations.

Recommandation n° 1 : les prestataires de l’aide devraient être avocats

Sans grande surprise, le CCBE estime que tous les prestataires devraient être en mesure « d’exercer la profession d’avocat », et ce notamment pour éviter « d’éventuels conflits d’intérêts et pour garantir le respect du secret professionnel ». 

L’instance européenne prévoit que la qualité de la prestation est incompatible avec le statut de fonctionnaire ou d’agent public. 

Recommandation n° 2 : les prestataires doivent recevoir une « rémunération équitable »

La rémunération doit se faire « compte tenu des divers degrés de complexité et en fonction de la nature des affaires traitées ». Le texte observe que l’État « devrait s’efforcer de réduire les disparités vis-à-vis des prix moyens du marché pour des services similaires ».

Le CCBE propose, pour ce faire, de « revoir l’offre de formations gratuites », qui compenserait une rétribution minorée par rapport au marché, ou proposer « un traitement fiscal avantageux ».

L’alinéa 5 imagine la mise en place de « procédures de paiement qui garantissent que les prestataires d’aide juridique reçoivent une rémunération dans les « délais raisonnables ». Lorsque l’aide juridique est apportée dans la cadre d’une procédure longue, les États devraient « autoriser des versements intermédiaires ».

En France, l’aide juridictionnelle est prévue par l’article 90 du décret du 19 décembre 1991. Elle rétribue l’avocat à terme en fonction de la procédure et des situations. Chaque correspond à un nombre d’unité de valeur fixée par la loi en 2017 à 32 € HT (circ. du 19 janv. 2017). 

Si le projet de loi de programmation de la justice prévoit, en effet, de « revoir les seuils de rémunérations des auxiliaires de justice », sans toutefois indiquer de montant, il n’en revoit pas pour le moment les conditions. Le système fondé sur une rétribution à terme et calculé sur la base d’unités de valeur a donc vocation à perdurer. 

Recommandation n° 3 : le budget de l’aide juridique doit être « suffisant » 

Rappelant que l’aide juridictionnelle est l’un des piliers de l’État de droit et de la dignité de la personne humaine, le CCBE préconise d’évaluer le budget de l’aide juridique en fonction « de la charge de travail de l’année précédente », et d’une « estimation du nombre d’affaires attendus ». Ce nombre, précise le texte, peut être prévu en tenant compte « des demandes en attente, du stade de la procédure, de la nature du litige, du moment où le versement des honoraires sera dû ».

Par ailleurs, l’instance européenne estime que les États devraient associer les barreaux ou, à défaut, les commissions d’aide juridique, lors de la préparation du budget. 

Recommandation n° 4 : l’État doit bénéficier d’une « législation claire en matière d’aide juridique »

Une autorité compétente devrait être mandatée pour « administrer l’aide juridique », comme c’est le cas en France avec les barreaux par l’intermédiaire notamment des CARPA. Le rapport réclame également un élargissement du rôle rempli par les avocats eux-mêmes. Ils ont vocation à « jouer un rôle consultatif dans de nombreux aspects de l’administration de l’aide juridique, notamment la présentation de rapports ».

Recommandation n° 5 : le système d’aide juridique se doit d’être « flexible »

La commission choisit de placer cette observation à la fin de son rapport, mais il n’en est pas moins important. Le système se doit donc d’être adaptable aux « évolutions des besoins ». Le texte porte « une attention particulière » aux modes alternatifs de résolution des conflits et aux demandes d’assistance portées par les migrants et réfugiés.

En France, un recours exercé par un demandeur d’asile peut à certaines conditions, être pris en charge par l’aide juridictionnelle. Même chose pour la médiation, dont le bénéfice de l’aide juridictionnelle a récemment été étendu par dépêche du 20 janvier 2017.

Le projet de loi de programmation prévoit d’élargir l’assiette du dispositif et de revoir les seuils d’admission, voire même de supprimer les conditions de ressources pour les victimes en recherche d’indemnisation pour les infractions les plus graves, comme en cas d’acte terroriste ayant entraîné des violences corporelles.

Par ailleurs, le projet de loi souhaite rendre possible la saisine en ligne de sa demande sur le site justice.fr.