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Amiante : la présomption d’anxiété se retourne contre les cheminots de la SNCF

Le 26 octobre 2017, la formation en départage du conseil de prud’hommes de Paris a rejeté la demande en réparation du préjudice d’anxiété de 147 cheminots de la SNCF lié à leur exposition à l’amiante.

par Thomas Coustetle 1 décembre 2017

L’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 a institué une présomption qui permettait à tout salarié exposé à l’amiante durant son activité d’invoquer un préjudice d’anxiété s’il avait travaillé dans « un des établissements mentionnés et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel » (Soc. 25 mars 2015, n° 13-21.716, Dalloz actualité, 20 avr. 2015 art. W. Fraisse ; ibid. 2283, obs. M. Bacache et al. ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ).

Destinée à faciliter l’action des victimes, cette présomption semble avoir changé de nature en glissant d’une règle probatoire vers une règle substantielle. C’est désormais une condition de la réparation : si l’établissement n’y figure pas, le salarié ne peut prétendre à l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété : c’est en tout cas ce que confirme la médiatique décision du 26 octobre 2017 par le conseil de prud’hommes de Paris.

Soutenus par des militants syndicaux, 147 cheminots salariés de la SNCF, qui ont été exposés à l’amiante durant leur activité entre 1970 et 2000, ont saisi le 13 juin 2013 le conseil de prud’hommes de Paris et réclamé 12 000 € chacun au titre de la réparation d’un préjudice d’anxiété. Ils ont perdu. Le 26 octobre, la formation de départage a rejeté la demande.

La SNCF est un établissement classé C3A. Les salariés ont soutenu que ce dispositif de pré-retraite prévu pour les ouvriers de l’État était « équivalent au classement ACAATA [allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante] prévu par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ».

Il est vrai que l’espoir était permis. La SNCF a été condamnée en juillet dernier par le conseil de prud’hommes de Troyes à verser 60 000 € au titre du préjudice d’anxiété aux salariés du centre de Romilly-sur-Seine, soit près de 4 millions d’euros au total. Dans ce dossier, si ce montant a été retenu, « c’est aussi parce qu’il s’agit d’une fraude sanitaire. La SNCF est coupable de ne pas avoir délibérément protégé les salariés », a expliqué Me Béranger Tourné, avocat des victimes.

L’analogie n’a pas séduit les prud’hommes de Paris. Les juges ont tranché : « l’indemnisation du préjudice d’anxiété qui répare l’ensemble des troubles psychologiques induits par l’exposition au risque de développer une pathologie liée à l’amiante n’est admise qu’au profit des salariés remplissant les conditions prévues par l’article 41 ». La SNCF ne figurant pas sur cette liste, les conditions ne sont pas remplies. 

La solution reprend la position que la Cour de cassation exprime désormais avec constance : le salarié exposé à l’amiante ne peut obtenir réparation contre une société qui n’entre pas dans les prévisions de l’article 41 précité (Soc. 11 janv. 2017, n° 15-17.164, Dalloz actualité, 8 févr. 2017, art. W. Fraisse ; ibid. 2224, obs. M. Bacache et al. ).

Les représentants syndicaux, intervenants volontaires à l’instance, ont néanmoins annoncé qu’ils feront appel.