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« Autant de justice, mais moins de juges et plus d’avocats »

Lors de la deuxième journée de la Convention nationale des avocats, qui se déroulait vendredi 20 octobre, à Bordeaux, il a beaucoup été question de l’avenir de la justice.

par Anne Portmannle 23 octobre 2017

Pour Thomas Andrieu, directeur des affaires civiles et du Sceau (DACS), la révolution viendra des avocats devenus stratèges, qui auront su anticiper le déferlement numérique. Ainsi, par exemple, « le divorce sans juge est une révolution, c’est une grande marque de confiance accordée à la profession d’avocat. J’entends cependant, dans certains tribunaux de grande instance, que les avocats prétextent de faux divorces pour faute pour ne pas prendre la responsabilité de signer une convention de divorce. Or si cette réforme du divorce sans juge fonctionne, on aura réussi l’entreprise ».

Le directeur de la DACS a ainsi laissé entendre que pour accorder à l’acte d’avocat la force exécutoire, réclamée par le président du Conseil national des barreaux Pascal Eydoux, c’était « cela qu’on allait regarder ». « Faut-il un ministère d’avocat en toutes circonstances, faut-il rendre obligatoire la communication électronique ? Aux avocats de nous dire comment tout concilier ». Et en attendant, il conseille à la profession d’ « investir sa présence commerciale sur internet », donnant l’exemple du site mis en ligne par l’Ordre des avocats de Lille, reussirsondivorce.fr. « Demain, estime-t-il, il y aura autant de justice, mais moins de juges et plus d’avocats » a-t-il auguré.

Pour un open data limité aux avocats

« La puissance publique, lors de cette révolution absolue, ne doit pas se retrouver seule face à des opérateurs privés extérieurs comme Google ou les assureurs. Il faut l’intermédiation des avocats », a ajouté Thomas Andrieu. Il a invité la profession à créer ses propres outils, afin de les mettre à la disposition des avocats. Le bâtonnier de Lille, Stéphane Dhonte, a demandé à ce que l’open data, dans ce domaine, soit réservé aux avocats.

Cette demande a été appuyée par Olivier Leurent, directeur de l’École nationale de la magistrature, qui, plus tard dans la matinée, a pointé parmi les dangers du numérique celui de la fiabilité des algorithmes utilisés par les outils de justice prédictive. « Les logiciels d’étude de la jurisprudence comme Jurinet et Jurica devraient être partagés entre avocats et magistrats », a-t-il déclaré. Il a également estimé que le danger de voir la justice se « fossiliser » avec la justice prédictive était faible, et qu’au contraire, émergera une justice de meilleure qualité.

Thomas Andrieu était allé en ce sens quelques heures auparavant, considérant qu’en dépit des algorithmes, les questions de droit demeureraient et l’imagination juridique, portée par les avocats, resterait au pouvoir. « La jurisprudence restera vivante, grâce aux avocats », avait dit le directeur des affaires civiles.

 

 

Aide juridictionnelle : un rapport de plus
Intervenu vendredi dernier en fin de journée pour clôturer la Convention, le premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé qu’il confiait à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale de la justice (IGJ) une mission conjointe sur l’aide juridictionnelle. Les conclusions devront lui être rendues le 15 janvier 2018. « Il ne s’agit pas d’ajouter un rapport aux nombreux rapports qui se sont penchés sur le sujet mais je voudrais que nous menions une réflexion plus opérationnelle en n’écartant à ce stade aucune piste », a-t-il déclaré. Il a ensuite évoqué quelques-unes de ces pistes, comme le développement des assurances de protection juridique, la création de structures d’avocats dédiées ou encore la mise en place d’un internat, comparable à ce qui existe au sein des hôpitaux.