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Le barème Macron est conforme aux accords internationaux, selon la Cour de cassation

Dans deux avis du 17 juillet 2019, la haute juridiction estime que le dispositif est conforme aux normes internationales. Les juges ont suivi en tous points les réquisitions de l’avocate générale Catherine Courcol-Bouchard.

par Thomas Coustetle 18 juillet 2019

L’assemblée réunie en plénière et présidée par Laurence Flise a estimé hier que le barème d’indemnités aux prud’hommes, qui encadre en nombre de mois de salaire (jusqu’à vingt mois à partir de vingt-neuf ans d’ancienneté) les montants que peuvent accorder les prud’hommes aux salariés en cas de licenciement injustifié ne viole ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ni l’article 10 de la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) n° 158.

La Cour renverse au passage sa position. Elle étend son office en acceptant de contrôler la conformité du droit interne aux conventions internationales au travers d’un avis et non plus seulement à l’occasion d’un litige individuel. Lors de la séance du 8 juillet, l’avocate générale avait insisté en ce sens au motif qu’il y avait « une véritable urgence à unifier la jurisprudence » (v. Dalloz actualité, 9 juill. 2019, art. T. Coustet isset(node/196660) ? node/196660 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>196660).

Autre point d’accord avec le parquet, l’absence « d’effet direct » de l’article 24 de la Charte sociale. Les juges ont retenu que la stipulation internationale « n’a pas d’effet direct en droit français ». Dans sa note explicative, la Cour explique qu’elle « s’est fondée, pour cela, sur les termes de la partie II de la Charte et sur ceux de l’article 24 qui lui sont apparus comme laissant une trop importante marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales ».

Une position contraire à celle du Conseil d’État. La juridiction administrative avait déjà eu à trancher cette question en 2014. Les juges avaient retenu à l’inverse que « l’article 24 ne requiert aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers » (CE, 7e et 2e sous-sect. réunies, 10 févr. 2014, n° 358992, Lebon ; AJDA 2014. 380 ; Dr. soc. 2014. 474, obs. J. Mouly ). Ce faisant, la Cour de cassation prive quand même le Comité européen des droits sociaux d’un argument si l’organisme devait juger le dispositif français contraire à la Charte. Il a été saisi en juin par la CGT en marge de la procédure devant le juge judiciaire.

Conformité avec la Convention n° 158 de l’OIT

Il n’en va pas de même pour l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. La Cour lui reconnaît un effet direct à l’égard des salariés. Ceux-ci sont fondés à en invoquer la violation dans n’importe quel litige. Ce n’est pas une surprise. Le parquet général avait requis la même chose. Et, par ailleurs, la Cour de cassation s’était déjà fondé en 2009 sur plusieurs de ses articles pour invalider la loi sur le contrat nouvelle embauche.

En revanche, la Cour de cassation estime ici que le droit à la réparation « appropriée » ou à une « indemnité adéquate », posé par l’article 10, est respecté. Elle a en effet retenu que le terme adéquat « devait être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation ». Le droit français peut donc préférer l’indemnisation forfaitaire à la réparation intégrale.

Et maintenant ?

Le dispositif s’en sort bien face à la fronde de quelque vingt conseils de prud’hommes qui lui ont fait la guerre depuis décembre dernier (v. Dalloz actualité, 28 juin 2019, art. T. Coustet isset(node/196466) ? node/196466 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>196466).

Désormais, ceux qui comptent œuvrer contre le dispositif vont alors avoir du mal à se justifier. En théorie, c’est toujours possible, l’avis n’étant qu’indicatif pour les juridictions. Du reste, certains juges ont laissé entendre qu’ils poursuivraient la lutte (v. Dalloz actualité, 9 juill. 2019, art. préc.). Mais il leur faudra d’autres truchements pour défier la Cour de cassation, d’autant que celle-ci s’est réunie en assemblée plénière. Le harcèlement moral pourrait remplir cet office. L’article 1235-3 du code du travail prévoit justement qu’il s’agit d’un des motifs valables pour écarter le plafonnement. Ce n’est pas un hasard si l’argument connaît depuis 2017 une recrudescence dans les prétoires des chambres prud’homales. Une saisine qui pourrait s’imposer davantage à l’avenir, quitte à l’instrumentaliser pour les besoins d’une affaire. 

Les cours d’appel de Paris et de Reims doivent rendre leur décision au fond le 25 septembre prochain. Elles ne sont pas tenues techniquement de se conformer à l’avis rendu.