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Le bureau central du renseignement pénitentiaire monte en grade
Le bureau central du renseignement pénitentiaire monte en grade
Un récent arrêté transforme l’ancien bureau central du renseignement pénitentiaire en service à compétence nationale. Entre nouveaux statuts et ajustements, les espions des prisons tracent leur chemin.
par Gabriel Thierryle 20 juin 2019
Ne l’appelez plus bureau central du renseignement. Ce lundi 17 juin, l’ancien BCRP, créé en avril 2017, s’est mué en service national du renseignement pénitentiaire (SNRP). La réforme, attendue depuis l’annonce du chef du gouvernement en juillet 2018, a été officialisée avec un arrêté du 29 mai. Ce texte simplifie le fonctionnement du bureau de renseignement du ministère de la Justice, désormais un service à compétence nationale directement rattaché au directeur de l’administration pénitentiaire (AP). Un changement de statut qui « change la donne, signale le docteur en droit Alexis Deprau, auteur d’une thèse récente sur le renseignement public et la sécurité nationale. Ces services à compétence nationale sont très intéressants car très pratiques et performants sur le plan opérationnel. Ce n’est plus le bureau d’une administration, mais une entité rattachée au directeur de l’administration pénitentiaire. »
En deux ans, ce service dirigé par la magistrate Charlotte Hemmerdinger, qui symbolise le virage sécuritaire de l’administration pénitentiaire, a grandi à marche forcée. Ses effectifs, un peu moins de 300 agents environ, ont été multipliés par quatre pour faire face à l’explosion de la menace terroriste en détention. Et ils devraient encore être rejoints par une centaine d’agents dans les deux ans à venir. « Nous savons que les prisons sont devenues des lieux très importants pour le recrutement de djihadistes, rappelle Éric Denécé, le directeur du centre français de recherche sur le renseignement. La surveillance des prisons est donc essentielle dans la lutte contre le terrorisme. »
Le renseignement pénitentiaire, en charge du suivi de 2 500 détenus environ, collabore sur ces questions avec les autres services de sécurité intérieure, à travers les groupes d’évaluations départementaux par exemple, ou grâce à la cellule hébergée par l’unité de coordination de la lutte antiterroriste sur le suivi des sortants de prison radicalisés. « Les services de renseignement affichent peu leurs réussites de peur de dévoiler leurs méthodes, note le préfet honoraire Patrice Molle. Mais si cette structure monte en puissance aussi vite, c’est bien qu’il y a des résultats tout à fait tangibles. »
Autorité directe
Si le SNRP comporte toujours un échelon central, dix cellules interrégionales et des délégations locales, avec cette nouvelle réforme le service s’est émancipé d’une double tutelle hiérarchique et fonctionnelle pesante. L’organisation précédente a en effet « rapidement présenté certaines limites opérationnelles qui ont pu nuire à l’efficacité du réseau », précise l’administration pénitentiaire.
Concrètement, les agents locaux avaient autrefois deux chefs : le renseignement et leur chef d’établissement. Désormais, les cellules interrégionales et les délégations locales sont sous l’autorité exclusive du renseignement pénitentiaire. « L’ensemble des ressources humaines et financières du service sont également rattachées à une entité hiérarchique unique, plus à même de rationaliser le pilotage et la gouvernance du service », ajoute l’administration pénitentiaire.
Cette réforme en cours est également l’occasion de dévoiler davantage les contours du service central du renseignement. On sait désormais qu’il rassemble cinq bureaux. Ces derniers sont, consacrés à l’administration, aux opérations, à l’investigation et analyse, aux dossiers réservés et aux affaires juridiques. Une organisation réglée, bien loin des premiers pas hésitants de l’administration pénitentiaire dans ce domaine. « Maintenant, c’est formalisé juridiquement, soupire Patrice Molle, ancien directeur de l’administration pénitentiaire de 2004 à 2005. Mais à mon époque, ce n’était ni autorisé ni formalisé : il nous était toutefois arrivé de sonoriser des parloirs à la demande de la police. »
Partage de l’information
Mais si l’organisation du renseignement pénitentiaire a été clarifiée, un autre chantier reste à conclure : celui du partage de l’information. Alors qu’une circulaire a détaillé en août 2018 les modalités de transmission d’informations entre le renseignement pénitentiaire et l’autorité judiciaire, le dossier reste ouvert en interne dans l’administration pénitentiaire. La question a été brutalement remise sur la table en mars après l’agression de deux surveillants par un détenu radicalisé à Condé-sur-Sarthe (Orne). Le rapport de l’inspection générale de la justice sur cette affaire a ainsi relevé, selon la garde des sceaux Nicole Belloubet, « un usage insuffisant des informations entre le renseignement pénitentiaire et la gestion de la détention ». En clair, les nouvelles n’ont pas assez circulé entre espions du renseignement et l’établissement pénitentiaire.
En réponse à cet échec, le ministère de la Justice a demandé la refonte de la doctrine du renseignement pénitentiaire. Le futur document devra structurer les procédures d’échange d’information entre le renseignement et la détention et « affirmer le primat de la sécurité des établissements sur toute autre finalité ». L’ancien bureau central s’était tout d’abord focalisé sur la prévention du terrorisme. D’autres annonces, plus techniques, sont également attendues, comme la mise en œuvre de l’extension des fouilles de détenus et les palpations de visiteurs dans certains établissements.
Musclé, le renseignement pénitentiaire va également pouvoir s’affirmer à l’extérieur de l’AP. Cette dernière l’admet : le rattachement du nouveau service à son directeur va permettre de « rehausser le positionnement hiérarchique du renseignement pénitentiaire vis-à-vis de ses pairs ». Son nouveau statut de service à compétence nationale « officialise sa place dans la communauté du renseignement », juge Éric Denécé. « Il y a parfois une sorte de morgue de certains services vis-à-vis d’autres », ajoute-t-il. À charge pour le renseignement pénitentiaire de prendre désormais toute sa place.
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