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La caméra ne ment pas, mais le résultat de son exploitation n’est pas incontestable

Une personne identifiée sur des images de vidéosurveillance par des enquêteurs a qualité à contester la régularité des procès-verbaux d’exploitation des vidéos sans avoir à reconnaître qu’elle apparaît bien à l’image. Ces actes doivent être annulés lorsqu’ils sont établis par des policiers qui n’étaient pas habilités à être destinataires des vidéos et qui ne les ont pas obtenues par la voie de réquisitions. 

Pendant les Jeux olympiques, la préfecture de police de Paris a ouvert les portes de ses salles d’information et de commandement. Avec l’objectif de rassurer les citoyens quant à leur sécurité, elle a montré l’effervescence qui règne dans ces lieux où les écrans sont rois. Des captations prises depuis des caméras de vidéosurveillance sont diffusées en permanence sur des murs d’images, tandis que des opérateurs pilotent le dispositif depuis leurs ordinateurs. En tout, ils ont accès à près de 40 000 caméras installées dans la région Île-de-France (v. C. comptes, Le plan de vidéoprotection de la préfecture de police de Paris, 2 déc. 2021, n° S2021-2194). Représentant un rêve panoptique pour les uns et un cauchemar totalitaire pour les autres, l’efficacité du plan de vidéoprotection de la préfecture de police de Paris (PVPP) ne doit pas faire oublier que l’usage de ces outils est encadré par le droit.

Le 31 janvier 2022, deux personnes armées ont tenté d’obtenir d’un commerçant l’ouverture de son coffre et ont pris la fuite. Pour suivre la trace des fugitifs, les enquêteurs ont consulté les images du système de vidéoprotection de la préfecture de police de Paris. Les recherches se sont manifestement révélées fructueuses, car un individu a été identifié et mis en examen du chef d’extorsion aggravée. Celui-ci a demandé l’annulation de plusieurs pièces du dossier et notamment celles relatives à l’exploitation des images de vidéosurveillance. La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande, aux motifs que le demandeur était dépourvu de qualité à agir, et que la consultation par les officiers de police judiciaire était régulière.

Qualité à agir en annulation de procès-verbaux d’exploitation d’images

La cour d’appel a écarté le moyen de nullité tiré du défaut d’habilitation des enquêteurs ayant procédé à l’exploitation des images extraites du PVPP au motif que le mis en examen contestait figurer sur les images, ce qui aurait pour conséquence de le priver de qualité à agir. La juridiction du fond applique ici la notion de qualité à agir telle qu’elle ressort des arrêts du 7 septembre 2021 (Crim. 7 sept. 2021, n° 21-80.642, Dalloz actualité, 28 sept. 2021, obs. M. Recotillet ; D. 2021. 1630 ; AJ pénal 2021. 484, obs. M. Recotillet ; ibid. 527, note G. Candela ; RSC 2022. 94, obs. P.-J. Delage ; ibid. 439, obs. E. Rubi-Cavagna ) : la règle de procédure qui aurait été méconnue doit avoir pour objet de préserver un droit ou un intérêt propre à la partie qui soulève l’exception de nullité. Or, en matière de photographies, il est établi en jurisprudence que seules les personnes qui apparaissent sur les images ont qualité à agir (Crim. 28 mars 2023, n° 22-83.874, Dalloz actualité, 18 avr. 2023, obs. T. Scherer ; D. 2023. 646 ; AJ pénal 2023. 296, obs. T. Lebreton ).

Il suffirait donc au mis en examen de reconnaître qu’il apparaît sur les images pour avoir qualité à agir. Toutefois, admettre qu’on est l’homme cagoulé filmé en train de sortir d’une bijouterie des armes à la main, c’est prendre un risque qu’il convient de réserver aux professionnels les plus téméraires. Dans cette situation, le mis en examen fait face à un dilemme, qu’il n’a pas à affronter. En effet, la recevabilité d’une exception de nullité ne peut pas reposer sur la reconnaissance d’éléments à charge, en vertu du droit de ne pas s’auto-incriminer. C’est ce qu’a expliqué avec beaucoup de pédagogie la Cour de cassation dans un arrêt du 25 octobre 2022 (Crim. 25 oct....

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