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Le chantier de la réforme de l’Assemblée nationale est ouvert

Le président de l’Assemblée nationale a présenté mercredi 20 septembre la méthode de réforme de l’Assemblée nationale, réforme qui sera structurée autour de sept groupes de travail.

par Pierre Januelle 21 septembre 2017

Chacun de ces groupes sera composé de dix députés (trois députés LREM, deux LR et un pour les quatre autres groupes, soit quatre députés de la majorité et six de l’opposition). Chaque groupe parlementaire aura la présidence d’un groupe de travail, mais les rapporteurs, poste le plus stratégique, seront tous issus de la majorité.

Une feuille de route tous les six mois pour chaque groupe

Le chantier est ouvert sur l’ensemble de la mandature. Le bureau de l’Assemblée nationale fixera tous les six mois une feuille de route à chaque groupe de travail. Pour la plupart des groupes, la première feuille de route leur demande de faire des propositions pour nourrir la réforme constitutionnelle. Un des groupes travaillera ainsi sur la réforme de l’immunité et du statut des parlementaires.

Les débats au sein du groupe de travail sur la réforme de la procédure législative risquent d’être les plus sensibles. La navette parlementaire est régulièrement critiquée pour sa lenteur, mais plusieurs députés ont déjà fait part de leur opposition à toute limitation du droit d’amendement en séance. Cette possibilité, ouverte au Sénat, ne concerne jusqu’ici que des textes mineurs qui n’appelaient pas d’amendement. La généralisation de la procédure accélérée (qui, dans les faits, est déjà engagée pour tous les projets de loi importants) sera aussi étudiée.

Souhaité par tous, le renforcement de la fonction de contrôle sera au menu d’un des groupes de travail. François de Rugy a émis l’idée que les rapports parlementaires soient systématiquement accompagnés de propositions. Mais son souhait que le Parlement se voit remettre systématiquement les rapports des inspections ou d’obliger le gouvernement à répondre aux recommandations des rapports, risquent de se heurter à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const. 25 juin 2009, n° 2009-581 DC).

La réforme constitutionnelle pourrait être l’occasion de faire sauter certains verrous, le gouvernement ayant tout à gagner de l’accélération du temps parlementaire, le Parlement pouvant, lui, renforcer son contrôle sur l’action gouvernementale.

Le groupe sur les conditions de travail se penchera prioritairement sur le statut des collaborateurs parlementaires, dont les interlocuteurs principaux étaient jusqu’ici les trois questeurs. Celui sur l’ouverture de l’Assemblée travaillera sur la publication de nouveaux indicateurs, plus qualitatifs, afin d’éviter que les députés soient jugés principalement sur leur activité dans l’hémicycle (ce qui défavorise le groupe majoritaire).

Certaines réformes déjà mises en œuvre

Toutes les pistes d’évolution ne nécessitent pas une révision constitutionnelle. Certaines relèvent d’une réforme du règlement (qui viendra après la révision constitutionnelle), d’autres d’une modification de la loi (ou de la loi organique), d’autres, enfin, d’une simple décision de bureau ou des questeurs. Le bureau de l’Assemblée a d’ailleurs déjà avalisé hier matin la réforme des régimes de pensions et d’aide au retour à l’emploi des députés, pour les aligner sur le droit de commun.

Pour ce qui relève de la présidence, François de Rugy a annoncé qu’une comptabilité analytique du budget de la seule présidence serait publiée. Le président a également appelé à un contrôle des comptes par la Cour de comptes, en lieu et place de la certification qu’elle opère actuellement. Il a entrouvert la possibilité d’un droit d’accès aux documents parlementaires (qui actuellement ne relèvent pas de la CADA).

Pour les nombreuses nominations qui relèvent de la présidence de l’Assemblée (notamment aux Conseil constitutionnel, CSM et CSA), François de Rugy a indiqué qu’elles seraient systématiquement précédées d’un appel public à candidature et que chaque désignation devra être motivée. Pour les nominations des 360 députés siégeant dans près de 160 organismes extra-parlementaires, une consultation a été faite auprès des groupes, qui verront leurs poids respectés.

Un processus ouvert aux citoyens

Les travaux des commissions et leurs comptes-rendus seront rendus publics, sur une page dédiée. Tous seront ouverts aux contributions extérieures (à envoyer d’ici le 10 novembre). Une vaste consultation citoyenne sur le travail parlementaire sera aussi lancée afin d’alimenter le travail à venir sur la réforme constitutionnelle.

Le processus est donc largement ouvert et pluraliste. Reste à savoir comment les députés s’empareront de cette méthode et de la réforme d’un travail parlementaire qu’ils n’ont pas toujours totalement appréhendé. Certains députés souhaitent déjà que les groupes débattent surtout des propositions, parfois très ambitieuses, qu’ils ont développées pendant la campagne électorale.

Si François de Rugy souhaite que des pistes consensuelles se dégagent, il demande surtout que les réponses soient ambitieuses : « une démocratie qui n’avance pas, c’est une démocratie qui prend le risque de tomber ».