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La commission de déontologie à l’aube d’une nouvelle ère

Le 1er février 2017 doivent entrer en vigueur les nouvelles règles, issues de la loi du 20 avril 2016, relatives à la commission de déontologie de la fonction publique. À la veille de cette réforme, plongée dans le fonctionnement d’une institution parfois critiquée et en réalité très mal connue.

par Marie-Christine de Monteclerle 23 janvier 2017

« Un astrophysicien vient de voler au-dessus de la commission »… Le président Roland Peylet et les membres de la commission de déontologie de la fonction publique se regardent, un peu étourdis encore par le discours passionné qu’ils viennent d’entendre. Un scientifique de haut niveau est venu plaider sa cause devant la commission. Il a expliqué combien son projet avec l’entreprise qu’il souhaite rejoindre est important pour les jeunes chercheurs, pour la science… Oui mais voilà, le président le lui a clairement laissé entendre avant qu’il quitte la salle, la commission statue en droit. Et la loi est claire. Le chercheur, moins de trois ans auparavant, a participé à la passation d’un marché entre son laboratoire et l’entreprise en question. Il a eu beau expliquer qu’il était entouré de techniciens qui ont choisi plus que lui, qu’aucune autre entreprise ne pouvait répondre au besoin… Dura lex, sed lex. Ce sera un avis d’incompatibilité.

Lorsque la commission de déontologie examine la compatibilité avec le code pénal du projet d’un agent public, qu’il s’agisse de départ vers le privé ou de cumul d’activités, elle ne peut guère interpréter la loi avec souplesse. En ce matin d’hiver frisquet et ensoleillé, dans la salle de réunion de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), ce sera un avis d’incompatibilité aussi pour ce cadre d’un établissement public. Il a signé un contrat avec l’entreprise publique qui veut l’embaucher. Alors peu importe qu’il s’agisse d’un contrat type produit par le ministère des finances et contresigné par Bercy qui désigne les potentiels signataires…

La commission a un peu plus de marge de manœuvre quand l’agent a seulement donné un avis ou proposé une décision concernant l’entreprise. Mais elle examine à la loupe quel a été son rôle exact. Ce juriste d’une autorité administrative indépendante (AAI), auquel une entreprise du secteur régulé a proposé un poste, est accompagné du directeur juridique de l’AAI. Le rapporteur, Sandrine Rudeaux a passé au crible son activité et a identifié cinq décisions que le juriste a été amené à revoir et qui concernent peu ou prou l’entreprise. Bien sûr, il est intervenu sous le contrôle de ses supérieurs et avant que le collège de l’AAI ne se prononce. Mais la « jurisprudence » de la commission est formelle : cela ne suffit pas à écarter la participation à la décision.

En toute transparence, l’AAI a même fourni ses documents de travail où l’on voit clairement les corrections de l’agent. Des suggestions de juriste, pas une simple relecture de forme, insiste Sandrine Rudeaux, dont l’hommage à sa compétence professionnelle ne va peut-être pas vraiment droit au cœur de l’intéressé. Par ailleurs, ces décisions concernaient-elles vraiment la société qui veut recruter l’agent ? Qu’en est-il, par exemple, de ces lignes directrices concernant vingt-sept entreprises du secteur ? La commission ne s’est jamais prononcée encore sur cette question. Le directeur juridique de l’AAI tend l’oreille. La question l’intéresse au-delà de ce dossier précis. Le rapporteur propose d’écarter cette décision. Hélas, pour le juriste, il y a une autre décision qu’elle retient. Celle-ci concernait une réclamation présentée à l’AAI contre l’entreprise qu’il veut rejoindre. Il a recommandé que l’autorité se déclare incompétente et a été suivi. L’entreprise n’a même jamais eu connaissance de ce différend, plaide l’AAI, tout en souhaitant que la commission « éclaire sa route » sur le règlement des différends. Pour la commission, c’est clair : on ne peut pas prétendre que cette décision ne concerne pas l’entreprise. Avis d’incompatibilité pour l’infortuné juriste.

L’université fait amende honorable

Avis d’incompatibilité, encore, pour ce chercheur dont le projet s’inscrit dans le cadre spécifique fixé par le code de la recherche. Son dossier présente un gros défaut, souligné d’emblée par le rapporteur : l’entreprise existe déjà. Or l’article L. 531-2 du code de la recherche est formel : l’autorisation doit être demandée à l’administration avant l’immatriculation de la société au registre du commerce. Et...

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