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Droit de se taire en matière disciplinaire : le Conseil d’État clarifie le champ d’application

Dans la continuité des évolutions jurisprudentielles relatives au droit de se taire dans le domaine disciplinaire, le Conseil d’État clarifie ses conditions d’application ainsi que l’incidence d’un éventuel défaut d’information sur la légalité des sanctions prononcées.

Aux termes du célèbre article 9 de la Déclaration des droits de l’homme, « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Le 8 décembre 2023, le Conseil constitutionnel en déduisait le droit de se taire, en l’appliquant non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Ces dispositions impliquent donc que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire (Cons. const. 8 déc. 2023, n° 2023-1074 QPC, Dalloz actualité, 20 déc. 2023, obs. B. Durieu ; D. 2023. 2196, et les obs. ; AJFP 2024. 287, note J. Bousquet ).

Un peu plus d’un an plus tard, et après que le Conseil constitutionnel fasse application de ce nouveau principe aux magistrats de l’ordre judiciaire (Cons. const. 26 juin 2024, n° 2024-1097 QPC, Dalloz actualité, 1er juill. 2024, obs. E. Poinas ; AJDA 2024. 1306 ; ibid. 1973 , note M. Verpeaux ; D. 2024. 1239 ), le Conseil d’État apporte de premières clarifications sur le champ d’application du droit de se taire reconnu aux agents publics qui font l’objet de poursuites disciplinaires.

Un droit qui ne s’applique pas, en principe, à la phase préalable aux poursuites disciplinaires

Il s’agit ici d’une des confirmations les plus évidentes, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a proclamé que les exigences issues de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme impliquent que la personne « faisant l’objet de poursuites disciplinaires » ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’elle soit préalablement informée du droit qu’elle a de se taire (Cons. const. 4 oct. 2024, n° 2024-1105 QPC, pt 9, Dalloz actualité, 14 oct. 2024, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2024. 1892 ; D. 2024. 1717 ). Il en résulte logiquement que le principe à valeur constitutionnelle ne trouve à s’appliquer qu’à compter du moment où la personne est officiellement poursuivie.

Ce moment correspond à la notification à l’agent poursuivi du courrier d’ouverture de la procédure disciplinaire, généralement adressé par lettre recommandée avec accusé de réception. Si ce courrier constitue une étape de procédure indispensable, il permet aussi de détailler par écrit l’ensemble des droits et garanties dont dispose l’agent public à partir de l’instant où la procédure est ouverte : droit de consulter son dossier administratif, droit de présenter ses observations écrites ou orales, droit de se faire accompagner ou représenté par le conseil de son choix, et désormais le droit de se taire.

Outre l’application littérale de la décision du Conseil constitutionnel, l’étanchéité du droit de se taire s’explique au travers de plusieurs arguments de bon sens, développés par la rapporteure publique dans de très riches conclusions. D’une part lorsqu’elle initie des démarches hiérarchiques telles qu’une demande d’explication ou des entretiens visant à clarifier une situation, l’administration n’a pas nécessairement arrêté de position sur l’issue à donner à l’affaire, ni même de connaissance précise de l’étendue des griefs. Ces démarches relèvent de la gestion...

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