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Le Conseil d’État à la rescousse de l’indépendance de la Cour de cassation

La section du contentieux du Conseil d’État valide la création de l’inspection générale de la justice. En revanche, il considère qu’en l’absence de garanties supplémentaires, elle ne peut contrôler la Cour de cassation.

par Emmanuelle Maupinle 27 mars 2018

Plusieurs syndicats et associations avaient demandé au Conseil d’État l’annulation du décret du 5 décembre 2016 qui fusionnait au sein d’une seule entité les trois services d’inspection du ministère de la justice. Les requérants estimaient notamment qu’une telle inspection, dans la mesure où elle était directement rattachée au garde des Sceaux, méconnaissait le principe de séparation des pouvoirs et portait atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire, en particulier s’agissant de la Cour de cassation. Cette création avait d’ailleurs été vivement critiquée par le premier président de la Cour de cassation.

Le Conseil d’État admet tout d’abord le principe d’une inspection chargée d’évaluer et de contrôler l’activité des juridictions judiciaires. En effet, « le principe de la séparation des pouvoirs et l’article 64 de la Constitution, qui garantissent l’indépendance de l’autorité judiciaire, notamment l’indépendance des magistrats dans l’exercice de la fonction de juger, n’interdisent pas la création, auprès du ministre de la justice, d’un organe appelé à contrôler ou à évaluer l’activité des juridictions judiciaires à condition que celui-ci apporte, par sa composition, le statut de ses membres, son organisation ainsi que les conditions et les modalités de son intervention, les garanties nécessaires au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire et que ses investigations ne le conduisent pas à porter une appréciation sur un acte juridictionnel déterminé ». Ces principes, ajoutent les juges du Palais-Royal, « n’interdisent pas davantage la présence, au sein d’un tel organe, d’inspecteurs extérieurs à la magistrature judiciaire justifiant de qualifications adéquates, dès lors que les investigations portant sur le comportement d’un magistrat sont conduites par un inspecteur ayant lui-même cette qualité et que celles qui portent sur l’activité juridictionnelle d’une juridiction le sont sous l’autorité directe d’un tel inspecteur ».

Examinant le décret, ils estiment que les modalités relatives à la composition et au statut des membres, à l’organisation, aux conditions et aux modalités d’intervention de l’inspection générale de la justice ainsi qu’aux garanties dont disposent les magistrats faisant l’objet d’une inspection ne portent pas atteinte pas au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

En revanche, et contrairement au rapporteur public qui avait estimé que le rattachement de la Cour de cassation à l’inspection générale est conforme à la Constitution, la haute juridiction censure l’article 2 du décret en tant qu’il inclut la Cour de cassation. S’appuyant sur l’article L. 1411-1 du code de l’organisation judiciaire et sur l’article 65 de la Constitution, le Conseil d’État considère qu’« eu égard tant à la mission confiée par le législateur à la Cour de cassation, placée au sommet de l’ordre judiciaire, qu’aux rôles confiés par la Constitution à son premier président et à son procureur général, notamment à la tête du Conseil supérieur de la magistrature chargé par la Constitution d’assister le président de la République dans son rôle de garant de l’autorité judiciaire, le décret attaqué ne pouvait légalement inclure la Cour de cassation dans le champ des missions de l’inspection générale de la justice sans prévoir de garanties supplémentaires relatives, notamment, aux conditions dans lesquelles sont diligentées les inspections et enquêtes portant sur cette juridiction ou l’un de ses membres ».