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Des conditions de détention toujours indignes au centre pénitentiaire de Saint-Étienne

Le Conseil d’État reconnait l’indignité des conditions de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de Saint-Étienne – La Talaudière et ordonne l’exécution de sept mesures d’urgence pour y remédier.

En matière de conditions de détention, l’établissement de Saint-Étienne – La Talaudière n’est pas ce que l’on peut appeler « un bon élève ». Pointé du doigt à deux reprises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), le centre pénitentiaire apparaissait dès 2012 comme une prison indigne, « dégradée », surpeuplée, les conditions d’accès au soin et à l’hygiène y étant inégales, spartiates et « sommaires » (CGLPL, Rapport de visite du centre pénitentiaire de Saint-Étienne, 2012, 112 p. ; Rapport de visite du centre pénitentiaire de Saint-Étienne, 2019, 107 p.).

En août 2022, cette situation s’est aggravée, une partie du toit de la maison d’arrêt ayant été arraché par des intempéries. Depuis, l’Observatoire international des prisons (OIP) rapporte que « l’eau s’infiltre dans les cellules par les châssis des fenêtres, les murs sont cloqués, et des flaques se forment régulièrement au sol » (OIP, Conditions de détention indignes à la prison de Saint-Étienne : des associations saisissent la justice, Communiqué de presse, 10 mars 2023). De surcroît, et pour ne rien arranger, au 1er avril 2023, la densité carcérale globale de la maison d’arrêt de Saint-Étienne – La Talaudière s’élevait à 146 %, et pouvait aller jusqu’à 160 % dans certains quartiers de la maison d’arrêt (DAP/SDEX/EX3, Statistiques des établissements et des personnes écrouées en France au 1er avr. 2023, Chiffres clés de la justice, tableau 17).

La surpopulation carcérale, ajoutée à des conditions de détention maintes fois dénoncées, a conduit l’OIP à former un premier recours devant le Tribunal administratif de Lyon en mars 2023. Après un premier rejet par la « procédure de tri », le juge des référés lyonnais avait accepté d’examiner les doléances de l’OIP (v. O. Le Bot, Le guide des référés administratifs 2023/2024, 3e éd., Dalloz, coll. « Guides Dalloz », 2023, p. 369, spéc. n° 233.21).

La décision qui en a résulté, aussi surprenante que décevante, avait certes le mérite de reconnaître l’urgence de la situation, mais se contentait de ne prononcer que deux mesures pour remédier à l’indignité des conditions de détention, lesquelles se révélaient être d’une absolue précarité (TA Lyon, 29 mars 2023, nos 2302110 et 2302111, Dalloz actualité, 4 avr. 2023, obs. M. Dominati).

En outre, le juge des référés considérait que la plupart des locaux dénoncés pour leur indignité étaient « dans un état satisfaisant de propreté », avaient été « repeints », ou que des mesures structurelles étaient en cours de réalisation (TA Lyon, 29 mars 2023, préc.). Le 10 avril 2023, la députée de la Loire, Andrée Taurinya, visitait ce même centre pénitentiaire, conformément aux prérogatives qui lui sont dévolues sur le fondement de l’article 719 du code de procédure pénale. Les conclusions et les photographies de sa visite, retranscrites sur le réseau social Facebook, permettaient à l’OIP d’apprécier, selon une formule que nous nous contentons d’emprunter, les « informations erronées ou partielles apportées par le ministère de la Justice » ; et de « mesurer l’ampleur de l’aveuglement du tribunal » (OIP, Prison de Saint-Étienne : la visite qui remet en cause la décision du tribunal administratif, Communiqué de presse, 13 avr. 2023).

Fortes de leur dynamique de recours massifs, l’OIP et l’Association pour la défense des droits des détenus portaient alors ce recours devant le Conseil d’État (v. D. Costa, Retour sur dix ans de jurisprudences suscitées par l’OIP sur la défense de la dignité et des droits fondamentaux des détenus, CNCDH, Défendre en justice la cause des personnes détenues, Doc. fr., 2014, p. 35).

Les mesures d’urgence prononcées par le Conseil d’État

D’abord, il faut rappeler que les mesures suivantes ne se substituent pas aux mesures prononcées par le juge des référés lyonnais, mais viennent s’y ajouter (CE 29 juin 2011, n° 327080, SCI La Lauzière, Lebon ; AJDA 2011. 1351 ; ibid. 2147 , note M. Revert ). Concernant ensuite les doléances de l’OIP et de l’association pour la défense des droits des détenus que le Conseil d’État valide :

S’agissant de la prévention des risques d’inondation et...

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