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Exercice de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui de la qualification professionnelle

L’article 3, § 2, de la directive 98/5/CE du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale interdisant à un avocat ayant la qualité de moine, inscrit en tant qu’avocat auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil afin d’y exercer sa profession sous son titre professionnel d’origine, en raison de l’incompatibilité entre la qualité de moine et l’exercice de la profession d’avocat.

par Gaëlle Deharole 29 mai 2019

Aux termes du considérant n° 2 de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO 14 mars 1998), « un avocat pleinement qualifié dans un État membre peut d’ores et déjà demander la reconnaissance de son diplôme pour s’établir dans un autre État membre afin d’y exercer la profession d’avocat sous le titre professionnel de cet État membre ». Le considérant n° 6 de la même directive ajoute qu’« une action se justifie également au niveau communautaire en raison du fait que seuls quelques États membres permettent déjà, sur leur territoire, l’exercice d’activités d’avocat, autrement que sous forme de prestations de services, par des avocats venant d’autres États membres et exerçant sous leur titre professionnel d’origine » (Dalloz actualité, 15 févr. 2019, obs. G. Deharo isset(node/194457) ? node/194457 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>194457). Ces possibilités revêtent cependant des modalités très différentes selon les États. Aussi, la directive 98/5/CE entendait faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui où la qualification professionnelle a été acquise.

C’est dans ce contexte que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait été saisie d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 98/5 (CJUE 7 mai 2019, aff. C-431/17, Monachos Eirinaios).

En l’espèce, un moine ayant acquis sa qualification professionnelle à Chypre avait sollicité son inscription au registre spécial du barreau d’Athènes. Cette demande avait été rejetée sur le fondement des dispositions nationales grecques relatives à l’incompatibilité entre l’exercice de la profession d’avocat et la qualité de moine, au motif que ces dispositions s’appliquaient aussi aux avocats souhaitant exercer sous leur titre professionnel d’origine.

Cette décision avait été contestée devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) qui avait sursis à statuer et transmis à la Cour de justice la question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 3 de la directive 98/5.

Après avoir rappelé le mécanisme de reconnaissance mutuelle des titres professionnels des avocats souhaitant exercer sous leur titre d’origine dans un autre État membre, la CJUE souligne la volonté du législateur de mettre fin aux disparités des règles nationales en la matière. Elle précise que l’article 3 de la directive procède à une harmonisation complète reposant sur l’obligation pour l’avocat souhaitant exercer sous sa qualification d’origine dans un autre État membre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet État membre, laquelle doit procéder à cette inscription « au vu de l’attestation de son inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine ». Cette présentation du titre à l’autorité compétente apparaît comme l’unique condition à laquelle doit être subordonnée l’inscription de l’intéressé dans l’État membre d’accueil lui permettant d’exercer dans ce dernier État. L’avocat est alors soumis aux dispositions régissant l’exercice de la profession dans l’État d’accueil.

Si la Cour reconnaît que le législateur peut prévoir des garanties pour l’exercice de la profession d’avocat sur son territoire (Dalloz actualité, 20 févr. 2019 isset(node/194545) ? node/194545 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>194545 ; 21 mars 2019 isset(node/194905) ? node/194905 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>194905 ; 5 juin 2018 isset(node/190867) ? node/190867 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190867, obs. G. Deharo), celles-ci ne lui permettent pas d’ajouter aux conditions préalables requises pour l’inscription de l’avocat auprès de l’État d’accueil.

En conséquence, la Cour de justice de l’Union européenne décide que « l’article 3, § 2, de la directive 98/5/CE du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale interdisant à un avocat ayant la qualité de moine, inscrit en tant qu’avocat auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil afin d’y exercer sa profession sous son titre professionnel d’origine, en raison de l’incompatibilité entre la qualité de moine et l’exercice de la profession d’avocat ».