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Expulsion d’un ressortissant étranger : faute d’avoir suffisamment analysé les risques, la France a violé l’article 3 de la Convention
Expulsion d’un ressortissant étranger : faute d’avoir suffisamment analysé les risques, la France a violé l’article 3 de la Convention
La Cour européenne des droits l’homme (CEDH) condamne l’État français en violation de l’article 3 de la Convention européenne, en raison d’une analyse insuffisante des risques engendrés par l’expulsion d’un ressortissant russe d’origine tchétchène vers son pays d’origine, après la révocation de son statut de réfugié.
par Margaux Dominatile 21 septembre 2022
Dans une décision du 30 août 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est venue apporter de plus amples précisions sur les exigences liées à l’examen des risques causés par l’expulsion d’un ressortissant étranger vers son pays d’origine. Une multitude de décisions ont d’ores et déjà détaillé quels étaient les éléments d’analyse attendus pour apprécier l’opportunité d’expulser un ressortissant étranger d’un territoire sans méconnaître l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans le giron de cette jurisprudence explicatrice, l’arrêt R c. France semble encore développer la « notice » réalisée à l’attention des États membres, en particulier dans des situations où se mêlent les problématiques épineuses du terrorisme, de la qualité de réfugié et de violations connues de la Convention à la suite de l’expulsion.
Le contexte
En l’espèce, un ressortissant russe, installé en France depuis 2004, s’est vu placé, tout au long de sa minorité, sous la protection de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Une fois majeur, il sollicite le maintien de cette protection, qui lui est accordé. En 2014, il est condamné à deux reprises par la juridiction correctionnelle, pour des faits de menace de crime ou délit sur personne dépositaire de l’autorité publique, outrage ou rébellion, et pour des faits de vol en réunion. En 2017, il est condamné pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste, et fait l’objet d’une interdiction définitive du territoire français. La même année, il est également condamné pour recel de bien provenant d’un délit, ces faits s’étant produits alors qu’il était placé en détention provisoire. Le jugement ayant pour effet de l’interdire du territoire français est d’ailleurs confirmé en appel, le 16 janvier 2018.
Le 20 février 2017, l’OFPRA met fin à son statut de réfugié, cette décision ayant été confirmée par la Cour nationale du droit d’asile en 2019. Deux arrêtés préfectoraux de février et mars 2020 prononcent respectivement son expulsion et fixent la Russie comme pays de destination. Le 12 novembre 2020, la veille de son éloignement effectif du territoire, le tribunal administratif rejette un référé suspension introduit par le requérant, sans en indiquer expressément les motifs. En février 2021, postérieurement à son éloignement vers la Russie, le tribunal administratif rejette les recours en annulation de l’arrêté d’expulsion formé par le requérant en se fondant sur une évaluation approfondie de sa situation.
Devant la CEDH, il invoque une violation de l’article 3 de la Convention européenne. En effet, il considère que son éloignement l’exposait à des traitements contraires à cette disposition, et que les risques qu’ils encouraient se sont réalisés dès son éloignement effectif, le 13 novembre 2020.
Le caractère absolu de l’article 3 de la Convention
La protection offerte par l’article 3 de la Convention ne comporte aucune restriction. Ainsi, malgré le droit souverain des États membres de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux de leurs territoires, ceux-ci sont tenus de ne pas expulser un ressortissant étranger vers son pays d’origine, dès lors qu’il existe des risques sérieux et avérés de croire que son éloignement lui fait courir le risque de subir des traitements inhumains et dégradants (CEDH 29 avr. 2019, A.M. c. France, req. n° 12148/18, § 112, Dalloz actualité, 6 mai 2019, obs. J.-M. Pastor ; ibid. 20 mai 2019, obs. M. Recotillet ; AJDA 2019. 910 ; ibid. 1764 , note C. Gauthier ; ibid. 1803, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2019. 1319, obs. J.-M. Pastor , note F. Safi ; 28 févr. 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, § 140‐141 ; AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss ; ibid. 1929, chron. J.-F. Flauss ; RSC 2008. 692, chron. J.-P. Marguénaud et D. Roets ;...
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