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Focus sur la titularité des droits d’auteur d’une œuvre photographique

Les demandes de l’ayant droit d’un photographe de plateau sont rejetées, car il existe un doute sérieux quant à la paternité de la photographie revendiquée représentant un portrait du chanteur Tino Rossi, lors du tournage du film Les lumières de Paris intervenu dans les années 1930.

par Flora Donaudle 19 novembre 2021

D’aucuns qualifient la photographie « d’objet polymorphe » (A. Latreille, La création photographique face au juge : entre confusion et raison, Légipresse 2010. 139 ) car portant sur des sujets variés et impliquant différentes techniques maîtrisées par diverses personnes.

C’est ainsi que le droit envisage différemment les photographies de presse, de paparazzi, prises en rafale, publicitaires, ou bien encore les portraits, ceci en protégeant le travail effectué par les photographes avant (éclairage…), pendant (cadrage…) ou après leur prise de vue (retouches…).

Et il est une catégorie de photographies à laquelle appartiennent les photographies de plateau, réalisées pendant le tournage d’un film pour en saisir son esprit et le promouvoir, faisant souvent l’objet de contentieux judiciaires, comme c’est le cas en l’espèce.

Question de titularité

Il y a lieu de préciser, préalablement à tout développement, que cette affaire est particulièrement intéressante en ce que l’œuvre photographique y est analysée non pas sous l’angle, comme à l’accoutumée, de la question de l’originalité, mais au spectre de la titularité des droits d’auteur.

Faits et procédure

Réduite à ses plus simples éléments, la situation est ainsi résumée. Les ayants droit d’un photographe dénommé Walter Lichtenstein dit Limot, décédé il y a trente-sept ans, assignent la société France Télévisions devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en contrefaçon et atteinte au droit moral (droit à la paternité), pour n’avoir ni sollicité leur autorisation, ni versé de rémunération leur revenant, ni même mentionné le nom de leur père lors de la diffusion pendant une émission télévisuelle en 2013 sur la chaîne France 2, d’un portrait photographique que ce professionnel aurait pris de l’acteur et chanteur Tino Rossi, durant le tournage du film des années 1930, intitulé Les lumières de Paris.

La société de production de l’émission intervient volontairement à l’instance et assigne en garantie une société tierce, Gamma-Rapho, dont elle détiendrait les droits sur la photographie litigieuse.

Le 24 février 2016, le tribunal de Strasbourg déboute les demandeurs estimant qu’« il existe un doute sérieux quant à la paternité de la photographie litigieuse dont la preuve n’est pas rapportée qu’elle puisse être attribuée à Walter Limot » et la cour d’appel de Colmar confirme, deux ans plus tard ce jugement, en retenant la titularité des droits d’auteur au bénéfice de la société Gamma-Rapho par le mécanisme de la présomption, cette dernière ayant exploité de manière « paisible et non équivoque pendant des décennies » la photographie dont, de surcroît, elle détient la plaque en verre originale, alors que Monsieur Limot n’en a jamais exploité les droits, et ceci malgré la « vraisemblance », selon laquelle Walter Limot en ait pu être l’auteur.

Néanmoins, le 25 mars 2020, la Cour de cassation au visa de l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle considère qu’« Il résulte de ce texte qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation, paisible et non équivoque, de l’œuvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre du droit de propriété incorporelle d’auteur » (Civ. 1re, 25 mars 2020, n° 18-24.931, Légipresse 2020. 342 et les obs. ...

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