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Quand un tissu non original est l’objet d’un acte de concurrence déloyale et parasitaire

Si la reproduction identique d’un tissu qui n’est pas original ne permet pas de qualifier la contrefaçon, elle est un indice majeur permettant d’apprécier les actes de concurrence déloyale et parasitaire.

La théorie de l’unité de l’art voit le jour par la loi du 11 mars 1902 après un silence biséculaire. Bénéfique pour les auteurs de créations éphémères, particulièrement dans le secteur de la mode, elle confère l’heureux avantage de s’extirper du dépôt formaliste des dessins et modèles. Elle apporte également des zones d’ombre : les jugements vacillent entre cumul systématique et cumul partiel avant la transposition de la directive européenne du 13 octobre 1998 (M.-A. Perot-Morel, À propos du maintien de l’unité de l’art dans le nouveau droit des dessins et modèles, Propr. industr., avr. 2005, étude 8, p. 9).

La création doit répondre aux conditions de nouveauté et de caractère propre afin de bénéficier de la protection conférée aux dessins et modèles et être originale afin de bénéficier du droit d’auteur (Com. 29 mars 2017, n° 15-10.885, D. 2018. 1566, obs. J.-C. Galloux et P. Kamina ; Dalloz IP/IT 2017. 400, obs. A. Emmanuelle Kahn ; RLDI 2017/137, p. 16-17, L. Costes). Malgré des jurisprudences hésitantes, le principe est aujourd’hui établi, les droits sont compatibles sans être systématiquement cumulatifs : le créateur d’une œuvre industrielle n’échappe pas à la preuve de l’originalité.

Si le débat paraît obsolète, il n’en est rien en pratique, ce que démontre la décision étudiée. La théorie de l’unité de l’art participe aux tempéraments apportés à l’approche classique de l’originalité qui peuvent s’avérer déterminants quant à l’issue du procès en contrefaçon. Aussi, l’absence d’originalité ne signifie pas que les concurrents ont une liberté totale d’utilisation de l’œuvre.

En l’espèce, TVL, une société de création, de fabrication et de vente de tissus en France et à l’étranger à destination des fabricants a acquis, par un acte de cession conclu en 2015, les droits sur un tissu caractérisé par la combinaison d’un motif cachemire nommé « paisley » intégrant des motifs floraux à l’intérieur desquels se trouvent des feuilles stylisées, ainsi qu’une version modifiée en 2018. Peu après la commercialisation, un contrat de fabrication avec MODACREA, une société de fabrication, fut conclu.

En 2018, la société TVL constate la commercialisation par l’entreprise Zara d’une robe et d’une blouse constituée d’un tissu détenant les mêmes caractéristiques que celui acquis. La société-mère de Zara a obtenu ce tissu par le biais d’un ancien fournisseur qui n’est pas inconnu, ModaCrea. Celui-ci a d’ailleurs souhaité acquérir la maquette du motif auprès de la société créatrice avant d’effectuer un dépôt Fidéalis. La société TVL revendique la titularité des droits sur le tissu et procède, en 2019, à deux saisies-contrefaçons dans les locaux de Zara avant d’agir en contrefaçon contre les deux sociétés, l’une pour avoir reproduit le tissu, l’autre pour l’avoir commercialisé sans autorisation. A titre subsidiaire, elle reproche des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

L’enjeu relève de l’appréciation de l’originalité d’un tissu au motif cachemire comprenant divers motifs floraux, sans laquelle la contrefaçon ne pourra être qualifiée. Le 28 mai 2021, les juges du tribunal judiciaire de Paris...

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