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Frais irrépétibles devant les juridictions pénales : non-conformité totale avec effet différé

Le Conseil constitutionnel déclare le premier alinéa de l’article 543 du code de procédure pénale contraire à la Constitution.

par Dorothée Goetzle 1 juin 2021

Cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est relative à la conformité à la Constitution du premier alinéa de l’article 543 du code de procédure pénale relatif aux frais irrépétibles devant les juridictions pénales. Selon ce texte, « sont applicables à la procédure devant le tribunal de police les articles 475-1 à 486 concernant les frais de justice et dépens, la restitution des objets placés sous la main de la justice et la forme des jugements ». La requérante reproche à ce texte d’établir une différence de traitement contraire au principe d’égalité devant la justice en ne permettant plus à la personne poursuivie devant le tribunal de police et bénéficiant d’une relaxe de demander le remboursement des frais irrépétibles exposés par elle pour sa défense. Elle fait en effet valoir que cette possibilité demeure ouverte à la partie civile en cas de condamnation. En conséquence, ce texte génère, selon elle, un déséquilibre des droits des parties au procès pénal. La requérante place au cœur de son argumentation la décision du 5 avril 2019 dans laquelle les Sages ont déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 800-2 du code de procédure pénale et reporté son abrogation au 31 mars 2020 (Cons. const. 5 avr. 2019, n° 2019-773 QPC, Dalloz actualité, 29 avr. 2019, obs. S. Fucini ; D. 2019. 702, et les obs. ; D. avocats 2019. 264, obs. L. Dargent ; Constitutions 2019. 155 ). En effet, faute pour le législateur d’avoir adopté en temps utile de nouvelles dispositions pour remédier à cette inconstitutionnalité, la personne poursuivie pénalement est aujourd’hui dans l’impossibilité, depuis le 31 mars 2020, d’obtenir du tribunal de police, en cas de relaxe, une indemnité au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci pour sa défense (D. 2019. 702 ).

Le Conseil constitutionnel souligne qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Il découle de ce texte que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties. Les Sages observent qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose qu’une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu’elle a exposés en vue de l’instance. Toutefois, la faculté d’un tel remboursement affecte l’exercice du droit d’agir en justice et les droits de la défense.

En l’espèce, l’article 543 du code de procédure pénale se réfère aux dispositions de l’article 475-1 du même code applicables en matière correctionnelle. Sur ce fondement, le tribunal de police peut condamner l’auteur d’une contravention à payer à la partie civile la somme qu’il détermine au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci pour sa défense. Or, depuis la déclaration d’inconstitutionnalité du 5 avril 2019 avec effet différé au 31 mars 2020, la personne poursuivie pénalement est dans l’impossibilité, depuis cette date, d’obtenir du tribunal de police, en cas de relaxe, une indemnité au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci pour sa défense, étant précisé que le législateur n’a pas adopté, en temps utile, de nouvelles dispositions pour remédier à cette inconstitutionnalité.

Pour cette raison, les Sages considèrent que l’article 543 du code de procédure pénale porte atteinte à l’équilibre des droits des parties dans le procès pénal. Cette disposition est donc à son tour déclarée contraire à la Constitution avec effet différé au 31 décembre 2021.