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Le franchiseur peut se voir interdire l’exploitation des fichiers clients de franchisés quittant le réseau

Les franchisés ayant subi une résiliation de leur contrat en raison d’une restructuration du réseau peuvent faire interdire l’exploitation de leur fichier client par l’ancien franchiseur. La clause de non-concurrence post-contractuelle pesant sur les franchisés n’empêche pas l’existence d’un dommage imminent et la prise de mesure conservatoire par le juge des référés. Au-delà, l’arrêt invite à se pencher sur la délicate problématique de l’exploitation du fichier client en franchise.

L’exploitation du fichier client des franchisés est un sujet délicat. L’arrêt Jules, sous commentaire, l’illustre à nouveau. Tout part des difficultés de la marque de prêt-à-porter, ayant occasionnées un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). La tête de réseau a donc souhaité faire évoluer son système de distribution. Délaisser la franchise au profit d’un autre mode de distribution : la commission-affiliation. L’enjeu est bien connu : la commission-affiliation permet à la tête de réseau d’exercer un contrôle plus serré, notamment sur la gestion des stocks et, surtout, sur les prix de vente auprès des consommateurs (N. Dissaux, La commission-affiliation : un monstre juridique ?, RTD com. 2011. 33 ).

Jules procède à la résiliation des contrats des franchisés ayant refusé le passage en commission-affiliation. Le litige s’est alors élevé relativement à la restitution et, surtout, à l’exploitation des fichiers clients des franchisés par le franchiseur postérieurement au contrat. Les franchisés ont conséquemment engagé un référé devant le tribunal de commerce (C. pr. civ., art. 873, al. 1er).

Le référé ayant été un succès, en première instance comme en appel, le litige est porté devant la Cour de cassation. Le pourvoi développe plusieurs arguments techniques relatifs au référé (absence d’un dommage imminent, mesure conservatoire qui excèderait les pouvoirs du juge des référés, etc.). Ces arguments sont tous rejetés par la Cour de cassation. La solution est donc claire : le fichier client doit être restitué et celui-ci ne peut pas être exploité par le franchiseur postérieurement au contrat.

L’arrêt Jules appelle deux observations. D’abord, sur ce qui est explicitement dit relativement au référé engagé par les franchisés. Ensuite, sur la délicate question de l’exploitation du fichier client en matière de franchise. Ce second aspect n’a évidemment pas été tranché au fond en raison du référé. L’importance pratique de cette problématique mérite toutefois quelques observations.

Sur le référé engagé par les franchisés

Le pourvoi faisait feu de tout bois pour contester le bien-fondé du référé. Tous les arguments avancés ne méritent pas d’être reproduits. Deux d’entre eux étaient cependant intéressants.

La clause de non-concurrence post-contractuelle pesant sur les franchisés ne fait pas obstacle à l’existence d’un dommage imminent

Le référé engagé en l’espèce vise à prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite (C. pr. civ., art. 873, al. 1er). Le pourvoi contestait tout dommage imminent au motif que les franchisés étaient tous soumis à une clause de non-concurrence post-contractuelle (CNC) d’une durée d’un an (sur l’encadrement légal de ces clauses, c. com., art. L. 341-2). Dit autrement : la CNC empêchait l’utilisation du fichier client pendant sa durée, les franchisés n’étaient donc exposés à aucun dommage imminent.

L’argument n’avait aucune chance de prospérer. En l’espèce, le dommage imminent est lié à l’activité du franchiseur qui exploite les fichiers clients des franchisés ; que les franchisés victimes de la faute du franchiseur soient soumis à une CNC est indifférent. La Cour de cassation rejette logiquement le pourvoi (la cour d’appel « n’avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de l’existence d’une clause de non-concurrence post-contractuelle, qui avait pour seul effet de restreindre temporairement l’usage des donnés de ces...

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