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Fraude fiscale et blanchiment : de la confiscation en valeur d’un bien immobilier à la réparation du préjudice de l’État

Pas de réparation du préjudice moral invoqué par l’État en matière de blanchiment de fraude fiscale en ce qu’il ne se distingue pas du préjudice subi par la société et défendu par le ministère public. 

Contexte de l’affaire

Par jugement du 13 avril 2015, l’intéressée a été condamnée des chefs de fraudes fiscales, d’une part, par minoration, de 2007 à 2010, des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune, d’autre part, par organisation d’insolvabilité, et de blanchiment.

En outre, la société détenue majoritairement par la requérante a été condamnée, des chefs de complicité de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité et de blanchiment, à la confiscation du bien immobilier dont elle est propriétaire à Paris.

Par ailleurs, le tribunal a déclaré recevable l’État français en sa constitution de partie civile et a condamné l’intéressée, solidairement avec une autre prévenue, à lui verser la somme de 100 000 €.

S’agissant de la valeur des biens immobiliers confisqués

La requérante se pourvoit en cassation pour critiquer la confiscation du bien immobilier appartenant à sa société. Elle rappelle ainsi que, lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, que ce soit à la totalité de ces faits ou à une partie de ceux-ci, chacun d’eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées à la condition que la valeur totale des biens confisqués n’excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions.

Dès lors, l’intéressée expliquait que la cour d’appel ne pouvait pas ordonner deux confiscations en valeur à hauteur de 1 000 000 d’euros chacune en fixant la valeur du produit total de ces infractions à 3 747 544 €. En effet, cette somme correspond au montant de la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010.

Or, les sociétés avaient uniquement été déclarées coupables pour des faits commis entre 2009 et 2010. Ainsi, le montant communiqué concernait pour partie des faits commis antérieurement à la période de prévention concernant les SCI et pour lesquels aucune déclaration de culpabilité n’avait été prononcée à leur encontre.

Rejetant le pourvoi sur ce point, la chambre criminelle a admis que les juges du fond, qui ont prononcé la confiscation en valeur de l’immeuble appartenant à la société, se sont assurés que la valeur de ce bien n’excédait pas le montant du produit du délit de complicité de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité pour lequel elle a été condamnée conformément à l’article 131-21, alinéa 9, du code pénal.

En effet, ce texte permet la confiscation en valeur de tous les biens, quelle qu’en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, dès lors que la valeur des biens saisis n’excède pas le montant estimé du produit de celles des infractions qui peuvent donner lieu à confiscation quand bien même ils n’auraient pas de lien direct ou indirect avec l’infraction. La valeur de l’immeuble demeurant inférieure au montant estimé du produit des infractions, la cour d’appel pouvait valablement confirmer cette confiscation.

Concernant la motivation de la confiscation au regard de la proportionnalité de l’atteinte portée

Par ailleurs, la requérante mettait en avant que la cour d’appel avait violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en s’abstenant d’apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété des intéressés.

En effet, les juges du fond expliquaient que la confiscation en valeur était assimilable au versement d’une amende en ce que cette peine affecte le patrimoine de la personne condamnée, que ce patrimoine ait ou non un lien avec l’infraction commise. Dès lors, les juges du fond avançaient que cette peine ne saurait donc, en toute hypothèse, porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété des intéressés.

Pourtant, les sociétés ne généraient aucun revenu et leur seul patrimoine se constituait de ces biens immobiliers confisqués. Ainsi, selon la requérante, le fait de contraindre les sociétés à céder la propriété des biens confisqués les privait de leur seul élément d’actif et attentait alors à leur droit de propriété.

Sur ce point, la chambre criminelle relève tout d’abord que c’est à tort que la cour d’appel a affirmé qu’elle n’avait pas à apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété de la société.

En effet, si le moyen pris de la violation du principe de proportionnalité au regard du droit de propriété est inopérant lorsque la saisie a porté sur la valeur du produit direct ou indirect de l’infraction (Crim. 5 janv. 2017, n° 16-80.275), la chambre criminelle a déjà relevé que méconnaissaient les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne, 131-21, alinéa...

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