Grève à Hollywood  : décryptage des revendications et enjeux juridiques pour les scénaristes américains

Le 1^er mai 2023, la Writers Guild of America (WGA) a émis un ordre de grève contre toutes les entreprises signataires du Minimum Basic Agreement (MBA), un accord collectif de 650 pages définissant les règles applicables à l’engagement et à la rémunération des scénaristes américains. L’effet a été immédiat pour le public américain qui a vu s’interrompre ses Late Show, écrits quotidiennement par des scénaristes. Les Français qui apprécient les programmes en streaming ne sont pas en reste, et pourraient prochainement voir leurs séries préférées s’arrêter brutalement, comme The Night Agent ou The Last of Us.

La WGA a mis en ligne un site internet spécialement dédié, sur lequel figurent notamment ses communiqués, ses directives à l’intention de ses membres, ses explications sur les raisons de la grève, et les calendriers et localisations des piquets de grèves. C’est la première fois depuis 2007 que la WGA ordonne ainsi une nouvelle grève. La dernière avait duré près de 100 jours et eu d’importants impacts sur de nombreuses séries. Nous souhaiterions concentrer l’attention ici sur les principales positions des différentes parties à la négociation collective, en commençant très succinctement par les présenter.

Du côté des scénaristes, la WGA est la réunion de deux syndicats juridiquement distincts, constitués en 1954, qui agissent de concert dans l’intérêt de leurs membres respectifs. La WGA, West, basée à Los Angeles, représente plus particulièrement les intérêts des scénaristes de fiction audiovisuelles et de cinéma basés dans l’Ouest, là où la WGA, East, basée à New York, se concentre à la défense des scénaristes de scripts pour des émissions de variétés, des talk-shows, des émissions d’actualités, des émissions politiques et des émissions de divertissement.

Aux États-Unis, les scénaristes ont été parmi les premiers à demander à profiter des dispositions du National Labor Relations Act (NLRA), adopté par le Congrès en 1935, dans le cadre de la politique de New Deal du Président F. D. Roosevelt. Cette loi fédérale garantit aux employés du secteur privé le droit de se syndiquer, de négocier collectivement et de prendre des mesures collectives, telles que la grève.

Une des premières grandes décisions de l’agence gouvernementale chargée de l’application de cette loi, la National Labor Relations Board (NLRB), a consisté dès 1938 à reconnaître les scénaristes comme « employés » des studios, quelle que soit la forme de leur contrat (contrat à durée déterminée ou contrat de travailleur indépendant), et à ce titre de confirmer leur droit de se syndiquer (Décision MGM v. Motion Picture Producers Assn. et al., 1938).

C’est en 1953 qu’une première élection majeure, organisée selon les termes de la Section 9(c) du NLRA, a conduit à la reconnaissance de la représentativité de la Screen Writers Guild, devenue l’année suivante WGA. Depuis, la WGA a maintenu son statut représentatif qui lui permet de jouer un rôle essentiel la défense des droits et des intérêts des scénaristes américains dans l’industrie du divertissement.

Du côté des producteurs, l’Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP) est, depuis 1982, l’organisation professionnelle responsable de négocier pratiquement tous les contrats de l’ensemble de l’industrie avec les syndicats du cinéma et de la télévision, ce qui représente 58 accords collectifs. Elle représente les principaux studios de cinéma et de télévision, tels que Warner Bros, Paramount Pictures, Universal Pictures, Columbia Pictures, Walt Disney Studios, 20^th Century Studios, les grands réseaux de télévision, y compris ABC, CBS, NBC, et désormais les plateformes telles que Netflix, Apple TV et bien d’autres.

Rappel du système juridique applicable aux scénaristes...