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L’influence du choix de loi sur la définition de l’agence commerciale

Lorsqu’un choix de loi a été porté sur le droit français, ce droit fixe les critères de qualification de l’agence commerciale, quand bien même l’agent est établi et exerce son activité hors du territoire de l’Union européenne. L’arrêt rendu invite, en outre, à revenir sur les frontières de l’agence commerciale, dont la définition a sensiblement évolué depuis l’arrêt Trendsetteuse. Un critère de distinction semble, aujourd’hui, émerger : seul l’intermédiaire ayant le pouvoir de négocier, au sens donné par l’arrêt Trendsetteuse, doit être qualifié d’agent commercial.

L’affaire. L’arrêt SWM apporte son lot de précisons sur le régime de l’agence commerciale, justifiant sa publication au Bulletin. L’espèce s’inscrit dans un contexte international. Un contrat est conclu entre une société française (le mandant) et une société canadienne (l’agent commercial) afin que cette dernière assure la promotion de vins et spiritueux sur le territoire canadien. Le mandant ayant informé l’agent de sa volonté de rompre le contrat, l’agent sollicita, en retour, paiement de l’indemnité de fin de contrat. Le mandant refusa toutefois le paiement de cette indemnité, motif pris que la qualification d’agent commercial était inappropriée. La Cour de cassation approuve toutefois la cour d’appel d’avoir retenu une telle qualification et condamné le mandant à verser une indemnité avoisinant les trois millions d’euros. Deux passages de la solution retiennent particulièrement l’attention. Le premier concerne la portée du choix de loi opéré. La loi française choisie par les parties emporte application du droit spécial de l’agent commercial (C. com., art. L. 134-1 s.) ainsi que de la jurisprudence ayant interprété le droit en question. Ce choix de loi produit effet même si l’agent est établi et exerce en dehors du territoire européen. Le second passage intéressant de l’arrêt réside dans la définition de l’agence commerciale.

La portée du choix de loi en matière d’agence commerciale internationale

Exposé de l’argument développé par le pourvoi. Le pourvoi soutenait que l’orientation de l’arrêt Trendsetteuse, développant une conception accueillante de l’agence commerciale (infra), n’a pas vocation à s’appliquer lorsque l’agent commercial exerce son activité hors de l’Union européenne (arrêt, § 7). L’argument s’inspire de l’arrêt Ingmar de la Cour de justice ayant considéré que le statut protecteur de l’agent commercial constituait une loi de police lorsque l’agent exerce son activité sur le territoire européen (CJCE 9 nov. 2000, aff. C-381/98, Ingmar, Rev. crit. DIP 2001. 107, note L. Idot ; JCP 2001. II. 1159, note L. Bernardeau ; JDI 2001. 511, note J.-M. Jacquet ; LPA 22 juin 2001, p. 10, note C. Nourissat). S’appuyant sur cette logique, le pourvoi considérait que l’arrêt Trendsetteuse ne vaut que pour les agents commerciaux exerçant sur le territoire européen. L’argument n’emporte toutefois pas la conviction de la Cour de cassation. Il faut dire que le pourvoi souhaitait, ni plus, ni moins, priver un choix de loi, porté sur le droit français, de son efficacité. Le raisonnement tenu, à la visée pédagogique indéniable, permet de formuler plusieurs remarques sur l’agence commerciale internationale.

Application de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 par le juge français à l’agence commerciale. La Cour précise, d’abord, que la loi française avait été choisie par les parties, en application de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à la représentation. Cette Convention est, effectivement, le texte applicable à l’agence commerciale internationale. Le juge français est tenu de l’appliquer en lieu et place du règlement Rome 1 (règl. [CE] n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles). Le rappel est bienvenu. Entendons-nous bien sur son intérêt : personne ne doute ou ne discute de l’application de cette Convention. L’intérêt est ailleurs. Le droit international privé français est en passe d’être codifié. Censée éclairer justiciables et praticiens, ce projet de codification ne prend toutefois pas – et curieusement – la peine de mentionner ne serait-ce que l’existence de la Convention de La Haye du 14 mars 1978. Il est donc plus qu’appréciable que la Cour de cassation précise, dès qu’elle le peut, les textes applicables en la matière. La Cour contribue donc, en quelque sorte, à combler les malfaçons de cette codification (pour un aperçu d’ensemble des critiques, que nous partageons, L. d’Avout, Les pouvoirs publics au soutien du droit international privé français. Lettre ouverte sur un projet de code, D. 2023. 80, spéc. p. 82 ).

Un choix de loi applicable quel que soit le lieu d’établissement ou d’exercice de l’agent. La Cour précise, ensuite, que le choix de loi porté sur le droit français produit effet même si l’agent commercial est établi et exerce hors du territoire européen (arrêt, § 10). La solution est fondée. Il s’agit d’une simple application du principe dit d’autonomie de la volonté. Les parties ont opté pour la loi française, l’internationalité de la situation n’y change rien : le droit choisi s’applique.

Cas particulier des lois de police. Pour approfondir, il convient de soigneusement distinguer deux situations dont le régime est totalement différent. Première situation : le juge français est compétent et applique le droit français choisi par les parties. Une telle situation, illustrée par l’arrêt SWM, ne pose aucune difficulté. Seconde situation : le juge français est compétent mais les parties ont choisi un droit étranger, celui d’un pays non-membre de l’Union européenne...

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