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Loi bioéthique : le gouvernement avance avec précaution

Reflet de son large spectre, le projet de loi relatif à la bioéthique, qui a été présenté en conseil des ministres le 24 juillet, est porté par trois ministres, Agnès Buzyn (Santé), Nicole Belloubet (Justice) et Frédérique Vidal (Recherche). Des avancées indéniables mais aussi des mesures très encadrées composent ce texte qui cherche un équilibre entre ce que la science propose et ce que la société revendique. 

par Jean-Marc Pastorle 26 juillet 2019

Mesure phare du texte, la procréation médicalement assistée (PMA) ne sera plus réservée aux seuls couples hétérosexuels ne pouvant pas avoir d’enfant. Le critère d’infertilité qui aujourd’hui conditionne cet accès est supprimé. Toutes les femmes, célibataires ou en couple, y auront accès et bénéficieront d’une prise en charge totale jusqu’à 43 ans. 

L’insémination post mortem toujours dans l’impasse

Le texte maintient la condition tenant au fait d’être en vie au moment de la réalisation de la PMA, ce qui écarte toute possibilité de recourir à la PMA à l’aide des gamètes d’un homme décédé ou des embryons conservés par un couple dont l’homme est décédé. Le gouvernement n’a pas suivi l’avis du Conseil d’État (n° 397993) qui recommandaient d’autoriser le transfert d’embryons et l’insémination post mortem. Pour la Haute juridiction, il est en effet paradoxal de faire renoncer une femme dont l’époux est décédé à tout projet de PMA avec les gamètes de ce dernier ou les embryons du couple, alors qu’elle sera autorisée à réaliser une PMA seule, avec tiers donneur.

L’article 3 du projet de loi donne un nouveau droit aux personnes nées d’un don à leur majorité, celui d’accéder aux informations non identifiantes relatives au tiers donneur (situation familiale et professionnelle, pays de naissance, etc.), ainsi que, s’il le souhaite, à son identité. En contrepartie, le consentement exprès du tiers donneur à la communication de ces données et de son identité est recueilli avant même de procéder au don. Le projet de loi autorise, de façon encadrée, une femme à congeler ses ovocytes (ou un homme son sperme). Cette autoconservation n’est possible actuellement que pour des raisons médicales, en cas de cancer par exemple. L’acte médical sera remboursé, mais pas les frais de conservation (environ 100 € par an).

Sur le sujet sensible de la recherche sur l’embryon et les cellules-souches, le texte procède à une dissociation des régimes applicables, respectivement, à la recherche sur l’embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines. Il ne modifie pas le régime applicable aux recherches conduites sur l’embryon. En revanche, il soumet désormais les protocoles de recherches conduites sur des cellules souches embryonnaires à un régime de déclaration préalable à l’Agence de la biomédecine.

Le projet de loi veut également faciliter la possibilité d’utiliser les éléments du corps d’une personne, prélevés à des fins médicales pour réaliser des examens de caractéristiques génétiques de cette personne à des fins de recherche scientifique. Et il encadre les découvertes incidentes qui peuvent être réalisées au cours d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne réalisé à des fins de recherche scientifique. Ainsi, la personne peut s’opposer à être informée d’une telle découverte alors même que ces caractéristiques génétiques peuvent être responsables d’une affection grave justifiant des mesures de prévention ou de soins à son bénéfice. Si la personne n’a pas formulé d’opposition à cette information, elle est alors informée de l’existence d’une découverte incidente et orientée vers un médecin qualifié en génétique. Elle garde cependant la possibilité de s’opposer, à tout moment et sans formalisme, à être informée de l’existence ou du contenu d’éventuelles découvertes incidentes.

L’environnement, une question éthique ?

Le projet de loi élargit les missions du conseiller en génétique – en lui conférant la possibilité de prescrire certains examens de biologie médicale dans des hypothèses de consultation en génétique ou de diagnostic prénatal – et du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Ce dernier pourra notamment donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les conséquences sur la santé des progrès de la connaissance non seulement dans les domaines de la biologie, de la médecine, de la santé mais aussi dans tout autre domaine, aux fins notamment d’inclure dans le champ de ses interventions les enjeux éthiques de certains progrès de la connaissance notamment en matière d’intelligence artificielle ou – plus surprenant – d’environnement.