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Notaires, vous avez le droit de garder le silence !

La Cour de cassation confirme que les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d’une amende. À défaut d’une telle autorisation judiciaire en l’espèce, le secret professionnel auquel était astreint le notaire l’obligeait à garder confidentielle la nouvelle adresse de son client.

Il n’est pas rare que, dans l’exercice de ses fonctions, un notaire puisse se sentir tiraillé par des injonctions a priori antagonistes. À la fois tenu au plus strict secret professionnel en qualité de confident privilégié de ses clients, il n’en reste pas moins investi d’une charge d’officier public et ministériel qui l’astreint à révéler certaines informations à des tiers, fût-ce de manière spontanée (dans la lutte contre le blanchiment d’argent, dans la dénonciation de crimes et délits…) ou forcée (pour répondre aux sollicitations de l’administration fiscale, pour satisfaire les commandements de l’autorité judiciaire…). L’arrêt commenté permet de prendre la mesure de ce qu’exercer les fonctions de notaire donne parfois le sentiment d’être pris entre le marteau (devoir se taire) et l’enclume (devoir parler).

L’affaire est fort simple. À la suite d’une décision de justice déclarant une vente caduque, l’acheteur fut condamné à payer diverses sommes au vendeur. Peu après, l’acheteur déménagea, en se gardant bien de donner sa nouvelle adresse au vendeur. L’huissier de justice, en charge de l’exécution de la décision, sollicita alors le notaire pour se faire communiquer l’adresse tant convoitée mais, invoquant le secret professionnel auquel il était soumis, celui-ci refusa de divulguer l’information. Y voyant une obstruction préjudicielle à l’exécution du jugement, le vendeur crut devoir en tenir rigueur au notaire et le poursuivre en responsabilité et indemnisation.

C’est alors que revint au tribunal judiciaire d’Argentan de se prononcer pour finalement faire droit à la demande du vendeur en condamnant le notaire à réparer financièrement le préjudice subi (TJ Argentan, 5 nov. 2020). Il fut retenu, dans ce jugement rendu en dernier ressort (vraisemblablement eu égard aux faibles sommes en jeu), que non seulement le secret professionnel qui s’impose à un notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, le dispenser de révéler des renseignements indispensables à l’exécution d’une décision de justice et qu’en plus il n’opposait aucune cause légitime justifiant d’avoir gardé le silence.

Le notaire trouva naturellement à se plaindre de cette condamnation, et il argua dans son pourvoi qu’il n’est tenu de révéler...

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