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Pas de fraude dans la désignation du délégué syndical de l’Opéra de Paris
Pas de fraude dans la désignation du délégué syndical de l’Opéra de Paris
Le 6 septembre dernier, le tribunal d’instance a rendu sa décision relative à la contestation de la désignation d’un délégué syndical à l’Opéra national de Paris. Désignation que la direction considérait comme frauduleuse dans le cadre du malaise créé par la médiatisation d’un sondage interne évoquant des cas de harcèlement moral, voire sexuel.
par Quentin Mlapale 17 septembre 2018
L’Opéra national de Paris (ONP), secoué en avril dernier après la médiatisation d’un sondage interne mettant en lumière des faits de harcèlement, a saisi le tribunal d’instance de Paris en vue de l’annulation de la désignation comme délégué syndical du salarié qui serait à l’origine de « la fuite » (v. Dalloz actualité, 11 juill. 2018, obs. J. Mucchielli isset(node/191584) ? node/191584 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>191584).
Pour rappel, dans un sondage interne diffusé dans la presse le 13 avril 2018, il était apparu que la majorité des danseurs de l’Opéra national de Paris avaient été l’objet, ou témoins, de faits de harcèlement moral (77 %) et sexuel (26 %). Ce sondage avait été initié par la commission d’expression artistique (CEA) de l’ONP, et les résultats n’avaient pas vocation à être rendus publics. Cette médiatisation a entraîné la gronde des danseurs, qui ont exprimé leur mécontentement dans un communiqué du 14 avril 2018.
Les membres de la CEA, à la suite de ces révélations, ont démissionné de la commission et été avertis, et il s’est avéré qu’une personne tierce à celle-ci avait participé à l’élaboration du sondage, en raison de ses connaissances et compétences en informatique. L’ONP a considéré ce salarié comme responsable de la fuite et a décidé de le sanctionner en le convoquant à un entretien préalable.
Au même moment, le salarié a été désigné comme délégué syndical SUD-SPECTACLE au comité d’entreprise. L’ONP a saisi le tribunal d’instance de Paris en vue de faire annuler cette désignation et d’écarter ainsi l’application du statut protecteur dont bénéficie le salarié, en tant que représentant du personnel. Le syndicat SUD-Spectacle s’est joint à l’instance au soutien de son adhérent mettant en avant une discrimination syndicale.
Devant le tribunal d’instance de Paris, l’ONP a fait valoir que la désignation comme délégué syndical était frauduleuse. En effet, selon l’ONP, le salarié, ayant connaissance de l’imminence d’une procédure disciplinaire à son encontre après réception d’une convocation à un entretien préalable en vue d’un licenciement, aurait voulu échapper aux foudres de la direction grâce à une désignation comme délégué syndical au comité d’entreprise. Il n’avait jusqu’alors jamais eu d’engagement syndical, ce qui a poussé l’ONP a considéré que cette désignation avait pour seul but de bénéficier du statut protecteur.
Dans sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation avait pu décider que la désignation avait un caractère frauduleux dès lors qu’elle avait pour seul but d’assurer une protection personnelle contre le licenciement (v. Soc. 15 mars 1984, n° 83-61.088), l’appréciation de la fraude relevant du pouvoir souverain des juges du fond (v. Soc. 13 juill. 2004, n° 03-60.432, Dr. soc. 2005. 283, note J.-M. Verdier ). Cependant, la haute juridiction avait également pu juger que le seul fait que le délégué désigné n’ait eu antérieurement aucune activité syndicale dans l’entreprise ne suffisait pas à caractériser la fraude (Soc. 26 sept. 1984, n° 84-60.115, D. 1985. IR. 458).
De son côté, le salarié a avancé que son implication de longue date dans l’intérêt collectif de l’établissement justifiait sa désignation comme délégué syndical et que le comportement de l’ONP à son encontre était discriminatoire. Le salarié avait, en effet, été membre de cette commission lors de la saison 2011-2012 et avait participé à une autre commission sur les horaires des membres du ballet, en 2017.
Le tribunal, dans son jugement, a reconnu l’implication du salarié sur les conditions de travail au sein de l’ONP, implication confirmée par les diverses attestations versées aux débats. Par ailleurs, sa désignation, datée du 22 mai, a précédé la réception de la convocation à l’entretien préalable, reçue le 24 mai. Enfin, cette désignation faisait suite au retrait volontaire de l’ancien délégué syndical.
Le tribunal d’instance de Paris n’a donc pas reconnu le caractère frauduleux de la désignation, qui ne peut être établi que lorsque celle-ci a pour but exclusif d’assurer une protection individuelle, comme le rappellent les magistrats dans la motivation de leur décision. L’ensemble des demandes de l’ONP étant rejetées, il est peu probable, au vu de la motivation claire du jugement, que l’institution forme un pourvoi en cassation contre ce jugement. L’affaire du délégué syndical de l’ONP semble donc close, pour le moment.
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