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Dans cette décision du 30 janvier 2018, la chambre criminelle s’est définitivement prononcée dans l’affaire de la propriété du manuscrit des Mémoires d’outre-tombe. Par une interprétation dont le contrôle échappe à la Cour, les juges d’appel ont pu estimer que le notaire n’était que le dépositaire du manuscrit.
par Thibault de Ravel d'Esclaponle 8 février 2018

L’affaire du manuscrit des Mémoires d’outre-tombe est une véritable saga qui agite tout à la fois le monde littéraire, bibliophile et juridique. On se souvient que Chateaubriand, qui avait besoin d’argent, était tombé d’accord avec son éditeur, à qui il avait accepté de céder le manuscrit de son œuvre magistrale, pour que le texte ne soit publié qu’à son décès et que le corpus soit placé dans une caisse cadenassée avec trois clefs (V., T. de Ravel d’Esclapon, Les « petits papiers » de Chateaubriand : à qui appartient son manuscrit ?, Dalloz actualité, 21 déc. 2015 isset(node/176347) ? node/176347 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>176347 ; v. égal. Dalloz actualité, 11 sept. 2015, art. M. Babonneau isset(node/174388) ? node/174388 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>174388).
L’écrivain en aura une, l’éditeur aussi. La dernière est pour le notaire. Chateaubriand y dépose et y remplace à loisir ce qu’il entend, évidemment jusqu’à son décès. Le coffre est définitivement scellé en 1847. Du point de vue littéraire et bibliophile, il n’est guère besoin d’exposer tout l’intérêt de ces 3 514 feuillets initialement déposés en 42 portefeuilles. Du point de vue juridique, l’affaire est passionnante. À l’ouverture du coffre, l’éditeur ne prend pas tout et le reste est demeuré dans cette étude parisienne. Les difficultés que l’on connaît aujourd’hui sont nées du fait que la cession projetée par les successeurs du manuscrit, ensuite relié, a mis le feu aux poudres.
Le droit de propriété du notaire s’est trouvé querellé et le parquet a entendu caractériser à son encontre un abus de confiance, lequel se trouverait aggravée par la qualité d’officier ministériel. Le notaire a été condamné par le tribunal correctionnel. Selon cette juridiction, les éditeurs de Chateaubriand étaient les propriétaires du manuscrit et la propriété n’avait pas été abandonnée par lesdits éditeurs au profit du notaire de l’époque. On se souvient qu’il était ressorti de l’analyse du mot « laisser », que la 30e chambre avait trouvé équivoque (« Je lui laisse les autres » avait indiqué l’éditeur venu prélever la propriété de deux cahiers), que l’éditeur n’avait pas entendu renoncer à la propriété du corpus à son profit. En somme, le notaire n’avait jamais été que le dépositaire du manuscrit, de sorte qu’il ne pouvait acquérir par prescription.
La cour d’appel de Paris a été saisie du litige, confirmant la décision du tribunal correctionnel dans un arrêt du 13 décembre 2016. Les magistrats avaient eux aussi estimé que l’expression « laisser les autres » (portefeuilles) figurant dans l’attestation du 11 mai 1850 ne suffit pas à caractériser une donation. De surcroît, ils faisaient observer que le notaire ne connaissait pas cette attestation lors de la mise en vente du manuscrit, ne l’ayant découverte que par la suite. Retenant la qualité de dépositaire, l’interversion de titres n’était, selon eux, pas caractérisée ; « à cet égard, l’absence de revendication de l’ouvrage pendant des décennies est indifférente ».
Le pourvoi est rejeté par la chambre criminelle, dans cette décision du 30 janvier 2018. La Cour ne rentre pas dans la subtile discussion sémantique autour de l’expression « laisser », sur laquelle repose une bonne partie de l’argumentation du notaire. La raison est bien simple : elle tient à la technique de cassation. En effet, comme le remarquent les juges de la chambre criminelle, la détermination par les juges du fond de la nature du contrat en vertu duquel la chose a été remise, échappe au contrôle de la Cour de cassation, lorsque celle-ci résulte, non d’une dénaturation du contrat invoqué, mais comme en l’espèce d’une interprétation de ses clauses, appuyée par d’autres pièces venant en éclairer ou préciser la portée et fondée sur une appréciation souveraine de la volonté des parties ». Dit autrement, la Cour de cassation ne peut restituer l’exacte qualification du contrat que si celle proposée par les juges résulte d’une dénaturation et non d’un vrai travail d’interprétation, amplement étayé, lequel est souverain. Cette jurisprudence est ancienne et connue (V., par ex., Crim. 12 déc. 1972, n° 72-92.318, Bull. crim. n° 385 : « la détermination du contrat sur la violation duquel repose l’abus de confiance échappe au contrôle de la Cour de cassation quand elle résulte, comme en l’espèce, d’une interprétation sans dénaturation du contrat, fondée sur une appréciation de la volonté des parties » ; Crim. 10 nov. 1999, n° 98-86.254 ; 18 févr. 1981, Bull. crim. n° 66 ; 21 janv. 1976, Bull. crim. n° 25 ; 24 mars 1969, Bull. crim. n° 127). En l’espèce, on comprend que la cour d’appel avait donc toute latitude pour estimer que le notaire était simplement le dépositaire du manuscrit. La dernière branche du moyen entendait se prévaloir d’une absence de préjudice, lequel consistait en un élément constitutif d’un abus de confiance. La chambre criminelle y répond simplement : « l’existence d’un préjudice, qui peut n’être qu’éventuel, se trouve nécessairement incluse dans la constatation du détournement ».
L’affaire du manuscrit de Chateaubriand est donc définitivement tranchée au détriment du notaire. Il n’était pas le propriétaire des fabuleux feuillets. Dans ce long dossier qui a traversé les siècles, c’est le dernier mot de la Cour de cassation dont, selon l’expression de l’écrivain, « le savoir est si connu » (Chateaubriand, Œuvres complètes, t. 17, Paris, chez Ladvocat, 1828, p. 22, à propos d’affaires de presse).
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