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Précision sur l’adéquation des dispositions légales relatives aux captations de données informatiques

En l’absence de captation de données stockées sur des serveurs, l’interception des flux échangés entre ces serveurs ne relève pas de l’article 706-102-1 du code de procédure pénale mais des articles 100 et suivants du même code. 

Le contentieux lié aux services de messagerie cryptée continue d’alimenter la saisine de la Haute juridiction qui précise, au fil des décisions rendues, le champ d’application respectif des dispositions du code de procédure pénale.

Les affaires de messagerie cryptée ont été mises au jour par l’affaire EncroChat (M. Lassalle, L’affaire EncroChat, D. 2023. 1833 ), en 2017, lorsque les enquêteurs ont découvert l’utilisation régulière de cette application par des trafiquants internationaux n’entretenant, a priori, aucun lien entre eux. L’attractivité de cette messagerie secrète s’appuyait « notamment [sur] des conditions de revente de ces téléphones, et des services proposés au client pour assurer anonymat et impunité, notamment en cas d’interpellation » (L’enquête EncroChat en France, Eurojust, 2020).

Deux ans après, une coopération des polices néerlandaise, belge et française ont permis d’accéder à un autre service de messagerie crypté, originaire du Canada, « Sky ECC ». Insistant aussi sur la fiabilité de son système de sécurité, la messagerie secrète a néanmoins été « cassée » par la coalition des enquêteurs de différentes nationalités. L’introduction de ces derniers dans ce moyen de communication a permis d’accéder à près de 150 millions de messages échangés entre 164 000 utilisateurs constituant une fourniture importante de preuves d’infractions pénales.

La récolte de preuves au sein d’un système de télécommunication a fait ressurgir les difficultés attendues en présence d’une preuve informatique concernant aussi bien des difficultés d’application de la loi pénale dans l’espace (Crim. 12 avr. 2022, n° 22-80.632, application permise par l’hébergement de la solution de communication par les serveurs « OVH » à Roubaix, Dalloz actualité, 25 mai 2022, obs. H. Diaz ; AJ pénal 2022. 377, obs. D. Brach-Thiel ; ibid. 276 et les obs. ; RSC 2022. 603, obs. E. Dreyer ) que celles liées au déchiffrement des données prévu à l’article 230-1 du code pénal (Crim. 3 avr. 2024, n° 23-85.649 ; 10 mai 2023, n° 22-84.475, D. 2023. 1833 , note M. Lassalle ). Toutefois, dans cet arrêt du 14 janvier 2025, c’est l’adéquation des dispositions du code de procédure pénale prévoyant les techniques d’enquêtes qui a occupé la saisine de la Cour.

En l’espèce, une information a été ouverte contre personne non dénommée des chefs de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, à la suite de la découverte, dans une chambre d’hôtel, des corps de deux personnes tuées par arme à feu. Des communications échangées entre trois serveurs informatiques hébergeant la solution « Sky ECC » ont été interceptées. Trois individus ont été mis en examen puis renvoyés devant la Cour d’assise des Bouches-du-Rhône. Les trois mis en examen et le ministère public contestent l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction devant la chambre de l’instruction, qui rejette l’ensemble de ces requêtes.

Un des mis en examen forme un pourvoi en cassation soutenu par deux moyens.

Le premier moyen critique l’arrêt de la chambre de l’instruction qui refuse d’annuler le procès-verbal retranscrivant la déclaration spontanée d’un témoin anonyme alors que ledit procès-verbal indique que l’officier de police judiciaire a « interrogé » le témoin ; qu’ainsi, cette mesure doit être soumise aux dispositions de l’article 706-57 du code de procédure pénale relatives à la protection du témoin. Toutefois, la Haute juridiction considère que le témoin anonyme n’a pas été auditionné dès lors que le procès-verbal ne fait mention que d’une discussion en style indirect retranscrivant la déclaration spontanée de l’informateur. Ainsi, la méconnaissance des dispositions des articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale n’est pas de nature à entraîner la nullité des procès-verbaux recueillant ces déclarations.

Le second moyen au soutien du pourvoi tend à faire admettre que l’interception des communications informatiques est régie par les dispositions des articles 706-102-1 et suivants du code de procédure pénale relatifs à la saisie en temps réel de données...

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