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Le projet de loi « Confiance » fera l’objet d’une évaluation approfondie

Fin des numéros surtaxés pour les services d’information téléphoniques de l’État, création de médiations entre les entreprises et les administrations… Le projet de loi sur le droit à l’erreur a été enrichi mais pas transformé pas les députés.

par Marie-Christine de Monteclerle 1 février 2018

L’Assemblée nationale a adopté, le 30 janvier 2018, le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance. Le texte du Gouvernement (AJDA 2017. 2332 ) a été largement entériné.

Les députés ont ainsi accepté le principe du droit à l’erreur des administrés et l’ont même, sur certains points élargi. Ils ont précisé que ne pouvait être sanctionnée une personne ayant méconnu « pour la première fois » une règle applicable à sa situation. Mais ils ont aussi inclus dans le champ de l’indulgence celui qui a commis « une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ». Les exclusions à ce principe ont été limitées, notamment, elles ne concerneront que les règles préservant « directement » la santé, la sécurité et l’environnement. L’administration pourra s’abstenir d’inviter la personne en cause à régulariser sa situation en cas de fraude ou de mauvaise foi (définie comme la violation délibérée d’une règle). Mais la charge de la preuve de la fraude ou de la mauvaise foi reposera sur elle.

Les députés ont également souhaité imposer à l’administration un délai pour certaines des nouvelles procédures créées par la loi. Ainsi, un décret fixera, dans la limite de six mois, le délai dans lequel l’administration devra prendre une position à la demande d’un administré. Pour les certificats d’information, ce sera au plus cinq mois. S’agissant de ce dernier outil, les députés ont souhaité expérimenter le maintien pendant un an des règles applicables à une activité qu’il mentionne.

La fin des numéros de téléphone surtaxés

Ils ont amendé l’article mettant en place l’expérimentation d’une consultation par voie électronique sur les projets ayant une incidence sur l’environnement. Celle-ci ne sera pas limitée géographiquement. Et cette consultation devra inclure des dispositifs « pour intégrer des citoyens éloignés du numérique ». C’est le Défenseur des droits, dans son avis du 10 janvier sur le projet de loi, qui a attiré l’attention des députés sur le fait que la dématérialisation des procédures par les services publics « exclut nombre d’usagers qui se retrouvent dans l’incapacité de procédure aux démarches requises ». L’Assemblée nationale n’est pas allée, comme le préconisait Jacques Toubon, jusqu’à rendre obligatoire une voie alternative à toute dématérialisation. Mais elle a introduit dans la stratégie nationale d’orientation de l’action publique, qui prévoit la dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives d’ici à 2022, la mention de la prise en compte des besoins des citoyens ayant des difficultés d’accès aux services dématérialisés.

Les députés ont, par ailleurs, introduit de nouvelles mesures dans l’esprit du texte. Ainsi, l’absence d’une pièce dans un dossier déposé en vue de l’attribution d’un droit ne pourra pas conduire l’administration à suspendre l’instruction, sauf pièce indispensable à celle-ci. Au plus tard le 1er janvier 2021, les numéros de téléphone surtaxés seront interdits pour les services d’information du public de l’État et de ses établissements publics. La commission voulait étendre ce principe aux collectivités territoriales. Mais elles en ont été retirées en séance, à la demande du Gouvernement qui souhaite une concertation avec elles auparavant.

Le texte prévoit également la création de dispositifs de médiation entre les entreprises et l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Aux nombreuses habilitations à légiférer par ordonnances qu’il prévoit, une nouvelle a été ajoutée pour faciliter l’implantation, le développement et le maintien des modes d’accueil de la petite enfance en simplifiant et mettant en cohérence les législations et en permettant des dérogations. Il accueille également certaines des mesures en faveur de l’éolien terrestre récemment préconisées par un groupe de travail (AJDA 2018. 133 ). Il prévoit l’expérimentation, pendant trois ans, d’un référent unique pour le maître d’ouvrage d’un projet d’aménagement, d’équipement, de travaux, d’installation.

À l’initiative du Gouvernement, ont été introduites deux dispositions relatives à la fonction publique. D’abord, le report au 1er janvier 2022 de l’entrée en vigueur de la déclaration sociale nominative. Ensuite, l’introduction dans l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 du principe jurisprudentiel selon lequel « sauf en cas de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la responsabilité civile du fonctionnaire ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute commise dans l’exercice de ses fonctions. » Il s’agit, selon Gérald Darmanin, de « rassurer » les agents publics en charge des nouvelles procédures (droit à l’erreur, droit au contrôle, prise de position formelle, etc.) qui « sont susceptibles de conduire à de nouveaux contentieux entre l’administration et les usagers ».

Une évaluation « rigoureuse » de la future loi

C’est inédit, le projet de loi contient désormais un titre entier consacré à son évaluation. Le gouvernement devra – c’est classique – remettre au Parlement une rafale de rapports. En particulier, un rapport annuel devra l’informer, notamment, sur l’expérimentation de la possibilité pour les préfets de déroger aux normes réglementaires, l’avancement de la dématérialisation des procédures, l’extension des horaires d’ouverture des administrations… Mais surtout, le gouvernement s’engage à « mettre en place les moyens nécessaires à une évaluation rigoureuse » de l’effet des mesures résultant de la loi. Celle-ci doit s’appuyer sur « une démarche scientifique rigoureuse et qui propose une multiplicité de critères ». Un rapport sera transmis au Parlement en 2022. La Cour des comptes sera chargée d’une évaluation comptable et financière de plusieurs dispositions et expérimentations.