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La réforme constitutionnelle en débat à l’Assemblée

Aujourd’hui commencent pour deux semaines les débats en séance sur la réforme constitutionnelle. Malgré le nombre conséquent d’amendement, la majorité est réticente à étendre le champ du projet de loi. En commission, les quelques amendements adoptés, outre des modifications de principe sur le climat et les discriminations, portaient essentiellement sur la procédure parlementaire.

par Pierre Januelle 10 juillet 2018

Près de 2 500 amendements ont été déposés sur le projet de loi (v. Dalloz actualité, 9 mai 2018, art. P. Januel isset(node/190531) ? node/190531 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190531). C’est quatre fois plus que lors de la réforme constitutionnelle de 2008. Alors que le gouvernement souhaite un projet de loi très balisé, les propositions des parlementaires portent surtout sur des modifications additionnelles à la constitution, des plus fondamentales au plus anecdotiques. La constitutionnalisation du vote blanc a ainsi plus occupé la commission des lois que la réforme du conseil supérieur de la magistrature. Les débats avant l’article premier devraient à eux seuls occuper presque toute la première semaine des débats.

Pourtant, la quasi-totalité des amendements au préambule ou au titre premier ont été rejetés. Au final, seules trois modifications à l’article premier ont été adoptées. D’une part, le mot race a été supprimé (il restera dans le préambule de 1946) et la discrimination entre les sexes a été expressément interdite (l’égalité des droits ayant été déjà prévue par le même préambule). D’autre part, plutôt qu’un ajout à l’article 34C, a été inscrit à l’article premier que la France « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques. » Par rapport à la charte de l’environnement, la notion « d’amélioration de l’environnement » est absente et la question de l’environnement est distinguée de la biodiversité et du climat. Enfin, un amendement des rapporteurs vise à ce que la France reconnaisse la diversité de ses territoires.

Des avancées sur la procédure parlementaire

C’est sur la procédure parlementaire que la commission a adopté le plus d’amendements. Si à cause d’un accident de majorité, surprenant vu l’importance du texte, un amendement de suppression de l’article 3 (filtrage des amendements réglementaires, cavaliers ou non-normatifs) a été adopté, il devrait être revu en séance. Les rapporteurs ne souhaitent ni étendre la notion de cavalier législatif, ni permettre le filtrage des propositions de loi.

La possibilité d’organiser dans l’hémicycle un débat d’orientation préalable à un projet de loi devrait être inscrite à l’article 43C. L’idée est de créer une alternative à la discussion générale, qui viendrait dès le dépôt d’un texte. Il est également envisagé de permettre de mieux contrôler le « temps législatif programmé » en permettant un séquençage des séances par article.

Les députés souhaitent revoir la procédure normale d’adoption des textes, qui passerait de deux lectures à une seule. La procédure accélérée (renommée « procédure d’urgence ») étant déclarée quasi-systématiquement, cela permettra d’accorder le texte à la pratique. La procédure post-CMP devrait aussi être revue, pour rétablir les prérogatives de l’Assemblée en matière d’amendements.

À l’article 8, le gouvernement souhaitait pouvoir inscrire ses textes par priorité dans les semaines « Assemblée ». La commission des lois veut limiter cette possibilité à deux textes par session. De même, l’inscription de textes législatifs dans les semaines de contrôle devrait être limitée aux seules propositions parlementaires. À noter, le séquençage des semaines « Gouvernement », « Parlement » et « Contrôle » (actuellement 2-1-1) pourrait être revu en séance, tout comme la durée de la session ordinaire (une session allant de septembre à mi-juillet serait plus conforme à la pratique).

Les députés souhaitent étendre leur rôle dans le processus législatif qui ne doit plus se limiter au temps situé entre le dépôt du texte et son adoption. Ainsi, l’article 48C prévoit la transmission au Parlement d’un calendrier semestriel du programme gouvernemental, avec un calendrier législatif précis actualisé tous les trois mois. Même si rien ne viendrait sanctionner les omissions, l’objectif est de mieux anticiper les travaux. La commission a également souhaité que les commissions puissent entendre les ministres sur l’exécution de la loi de financement et qu’ils soient tenus de rendre compte de l’application des lois six mois après la promulgation.

Un amendement souhaite permettre aux instances parlementaires de convoquer toute personne dont l’audition est jugée utile, d’accéder aux données publiques et d’obtenir communication de tout document. L’objectif est d’étendre à d’autres instances, les pouvoirs exceptionnels que détiennent les commissions d’enquête. La possibilité de saisine pour avis du Conseil d’État devrait aussi être étendue aux amendements parlementaires.

Si la commission des affaires sociales souhaitait étendre le champ de la loi de financement de la sécurité sociale à la protection sociale, le début de polémique devrait pousser les députés à renoncer à cet ajout en séance.

Un amendement prévoit la possibilité du remplacement temporaire d’un parlementaire en cas d’empêchement provisoire (longue maladie, maternité), malgré les réticences de plusieurs députés à la notion de parlementaire provisoire.

CESE, CJR, CSM, collectivités locales : peu d’évolutions sur le reste du texte

Sur les autres aspects du texte, seul le CESE a subi des modifications notables. Les députés ont préféré l’appellation « Forum de la République » à celle de « Chambre de la société civile », et ne veulent pas d’une saisine obligatoire sur les projets de loi à caractère économique, social et environnemental. Cela enlève à cette réforme la principale modification voulue par le gouvernement.

Conséquence de la suppression de la Cour de justice de la République, des amendements des rapporteurs ont prévu de mettre fin à la dissociation des procédures pénales entre les ministres et les éventuels complices. Sur le Conseil constitutionnel et le Conseil supérieur de la magistrature, il n’y a pas eu de modification supplémentaire : les débats ont été très courts et ont essentiellement porté sur la parité femmes-hommes.

Les échanges ont été plus tendus sur les collectivités locales, même s’il n’y a pas eu de modification. Seules perspectives d’évolution renvoyées à la séance : l’éventuelle constitutionnalisation du droit alsaco-mosellan (afin d’éviter son extinction) et la modification du statut de la Réunion (spécifiquement exclue par l’actuel art. 73C).

Enfin, le président de la République a annoncé hier, durant son discours au Congrès, que le gouvernement déposerait un amendement à l’article 18C pour qu’il puisse assister aux réponses des présidents de groupe parlementaire à son intervention.

Une majorité frileuse, un Sénat indécis

La majorité a été très frileuse a étendre la réforme constitutionnelle à de nouveaux fronts. Les amendements sur la charte des libertés numériques ont été ainsi sèchement rejetés (même s’il est envisagé de mettre dans le domaine de la loi prévu à l’article 34C la protection des données personnelles). Le rapporteur Richard Ferrand a régulièrement rappelé qu’il ne souhaitait pas mettre le Sénat dans une position inconfortable.

Certains articles sur la procédure parlementaire revus par la Commission, devraient aussi être supprimés lors du passage au Sénat : les articles 5 (nouvelle lecture post-CMP) et 8 (inscriptions de projets de loi dans les semaines Parlement), ont déjà été décriés par son président Gérard Larcher, qui ne souhaite pas voir les prérogatives du Parlement, et encore moins celles du Sénat, rabaissées.

Mais au-delà du texte, l’attitude du Sénat, dominé par le groupe les Républicains, pourrait être dictée par le climat politique à la rentrée. Les principaux chiffons rouges ne sont pas dans le texte constitutionnel : la réduction des parlementaires, la proportionnelle et le cumul dans le temps relèvent de la loi organique. Toutefois, rien de déterminant n’emporte l’adhésion des parlementaires, et les députés LR sont très opposés au texte.