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Réforme du parquet : « C’est un petit pas mais on est encore loin de l’indépendance »

Annoncée le 4 avril dernier par le premier ministre, la réforme institutionnelle comprendra le « renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature » sur la nomination des membres du parquet. 

par Thomas Coustetle 10 avril 2018

C’est entendu, les conditions de nomination des magistrats du parquet seront réformées, a assuré le premier ministre lors de la conférence de presse du 4 avril dernier (v. Dalloz actualité, 6 avr. 2018, art. E. Maupin isset(node/190074) ? node/190074 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190074). Cela passera « par un renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ».

La nomination des membres du parquet sera alignée sur celle des magistrats du siège. Ils seront nommés sur avis conforme du CSM, alors que, jusqu’à présent, l’institution remettait un avis simple que la Chancellerie décidait de suivre ou non. Selon les déclarations du chef du gouvernement, « il s’agit de garantir l’indépendance statutaire des magistrats qui parquet ».

Sur un plan purement formel, l’Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire, et le syndicat de la magistrature (SM) regrettent de n’avoir pas été consultés. Virginie Duval, présidente de l’USM, fait remarquer que pour le moment il ne s’agit que d’annonces publiques, « le texte n’a pas encore été communiqué par le gouvernement », déplore-t-elle. Même son de cloche de la part de Vincent Charmoillaux, secrétaire national du SM.

« Une réforme essentiellement cosmétique »

Sur le fond, la réforme projetée est « essentiellement cosmétique », selon ces deux représentants. « C’est un petit pas mais on est encore loin de l’indépendance », relève Virginie Duval. Dans les faits, rares étaient les situations où le ministère allait à l’encontre de l’avis formulé par le CSM. Vincent Charmoillaux se souvient de quelques nominations « stratosphériques », mais ce sont « des cas à la marge à l’époque de Rachida Dati ». Sinon, l’usage fait que l’avis du Conseil est suivi par la Chancellerie. Si cette modification entérine une pratique en cours depuis 2010, et va, par conséquent, « dans le bon sens », la réforme manque globalement d’ambition pour ces représentants syndicaux.

« Il aurait fallu donner au CSM un pouvoir de proposition sans se contenter qu’il dise oui ou non », considère Virginie Duval qui regrette qu’avec l’avis conforme, l’exécutif « garde la main sur la nomination ». 

Par ailleurs, « il faut regarder ce qui va se décider pour les chefs de juridiction eux-mêmes. Va-t-on également aligner la situation des chefs de juridiction au parquet avec les membres du siège ? », s’interroge Vincent Charmoillaux. Actuellement, c’est le CSM qui décide lui-même pour ces derniers. Le président de la République procède ensuite à la nomination par décret, comme pour les magistrats du siège à la Cour de cassation.

De ce point de vue, la réforme sera un indicateur intéressant de son degré de sérieux, note le secrétaire national du SM. « Il ne faut pas croire qu’avec ce qu’il envisage a minima, l’exécutif mettra la France à l’abri des condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’indépendance du parquet », finit-il par lâcher.