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Mardi 15 novembre, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi pour corriger un bug législatif à l’article 367 du code de procédure pénale, concernant les mandats de dépôt aux assises. Une nouvelle loi correctrice, due à une machine législative devenue parfois folle.
par Pierre Januel, Journalistele 21 novembre 2022
La proposition de loi portée par Jean-Claude Réquier et les sénateurs radicaux avait comme unique objet de corriger une malfaçon à l’article 367 du code de procédure pénale. Cet article précise le sort de l’accusé une fois que la cour d’assises a rendu son arrêt, notamment lorsqu’il attend l’appel. Pour les personnes condamnées à une peine ferme non couverte par la détention provisoire, la loi indique depuis 2011 que l’arrêt vaut titre de détention.
Adoptée l’an dernier, la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a voulu assouplir ce principe quand l’accusé comparaît libre et est condamné à une peine correctionnelle (quand la cour d’assises ne l’a pas condamné pour un crime mais pour un délit). Afin d’éviter une incarcération automatique tant que l’arrêt n’est pas définitif, c’est à la cour de prononcer le mandat de dépôt qui permet l’incarcération. Problème, à l’issue de cette rédaction, l’article 367 prévoit le cas de l’accusé détenu condamné à une peine de réclusion criminelle, mais plus celui de l’accusé détenu condamné à une peine correctionnelle.
Dans ce cas, si on suit à la lettre le code de procédure pénale à la lettre, l’arrêt ne vaut pas titre de détention et il n’est pas non plus prévu que la cour puisse décerner mandat de dépôt. Une situation absurde que le Ministère a souhaité rapidement corriger, par un décret du 25 février 2022. Le décret réaffirme dans ces cas que le principe selon lequel l’arrêt vaut titre de détention.
Conscient que la solution du décret était perfectible, le Sénat a préféré corriger directement la malfaçon législative. Le président du groupe radical a été alerté par un article du Canard enchaîné, qui fin avril, levait le lièvre en reprenant les alertes de praticiens. Pour Éric Dupond-Moretti, « le texte définitivement adopté comportait une ambiguïté, puisqu’il ne traitait plus le cas des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement. J’ai complété la partie réglementaire du code de procédure pénale, par un décret qui est venu lever cette ambiguïté […]. Bien évidemment, il est pertinent que cette ambiguïté soit levée par la loi ».
Le procès des malfaçons législatives
Mais pour Jean-Claude Réquier : « le sujet de cette proposition de loi est celui de l’inflation législative et de la surcharge du calendrier parlementaire. Les procédures accélérées n’ont plus rien d’exceptionnel. La dérogation est devenue la règle. Dans ces conditions, les amendements sont écrits trop vite, les articles sont examinés sans repos. Voilà comment dans un texte comprenant 60 articles une telle erreur a fini par se produire. […] Nous examinons trop de textes, des textes trop longs et dans des délais toujours trop courts ».
2021 fut une année record pour l’inflation normative. Le gouvernement a multiplié procédures accélérées et ordonnances. Ici, il a suffi d’ajouter quelques mots à un alinéa pour qu’incidemment, une hypothèse ne soit plus envisagée. Et ce n’est pas la première fois qu’une loi vise à en corriger une autre. À l’initiative de la sénatrice centriste Nathalie Goulet, une loi vient de corriger les règles d’élection des juges consulaires. La loi confiance pour l’institution judiciaire comprenait elle-même un long article visant à remédier à de nombreux bugs.
Les députés ont leur part de responsabilité, avec l’inflation des amendements parlementaires : ainsi la LOPMI a fait l’objet de 1 306 amendements, quand il y a dix ans, sa prédécesseure LOPPSI 2, pourtant bien plus ambitieuse, n’en avait eu que 295. Or les parlementaires sont plus prompts à apporter de nouveaux sujets et ajouts qu’à vouloir améliorer la loi.
Avec la majorité relative à l’Assemblée, les choses pourraient changer. Les textes étant plus difficiles à faire passer, il y en a moins. D’autant que les députés, et en premier lieu le président de la commission des Lois Sacha Houlié, ont demandé des textes resserrés à une quinzaine d’articles, pour éviter de multiplier les sujets. Pour reprendre le professeur Guy Carcassonne, cité au Sénat par le socialiste Patrick Kanner : « pour faire de bonnes lois, on n’a pas encore inventé mieux que le Parlement, à condition de lui laisser le temps de travailler ».
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66e édition
Auteur(s) : Coralie Ambroise-Castérot; Pascal Beauvais; Maud Léna