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Seules 4,7 % des avocates ont « cherché à faire reconnaître la discrimination »

Selon une enquête diligentée par le défenseur des droits, la situation des avocats est « particulièrement préoccupante ». Une conférence de presse a été organisée pour sa remise le 2 mai dernier en présence de Christine Féral-Schuhl, Marie-Aimée Peyron, Basile Ader et Jérôme Gavaudan.

par Thomas Coustetle 3 mai 2018

C’est la première fois qu’une enquête analyse avec précision sous quelle forme et selon quelle fréquence se manifestent les situations de discriminations dont les avocats et avocates peuvent faire l’expérience. L’enquête a duré près d’un an et a permis de collecter 7 138 réponses. Et le détail des résultats est sans appel : il doit être considéré comme des « signaux d’alerte », selon Jacques Toubon, défenseur des droits. 

Une profession genrée, les femmes davantage exposées

La profession enregistre 54 % d’avocates contre 46 % d’avocats. Un bilan statistique qui met également en lumière la « relative jeunesse de la profession, en regard par exemple de la population des officiers publics et ministériels (notaires, huissiers, etc.). La profession d’avocat apparaît donc « plus jeune et plus féminisée ».

En revanche, selon ce rapport, seulement 37 % d’entre elles sont associées. Le simple fait d’être une femme augmente de 40 % la probabilité d’être dans la tranche des revenus professionnels nets la plus basse, et diminue de 60 % celle de figurer dans la tranche la plus élevée.

Ces différences de revenus résultent du sexe et de la spécialité exercée. Les hommes sont « surreprésentés dans certains secteurs », comme celui du droit des affaires (57,9 % des hommes exercent cette activité contre 42,1% des femmes). L’analyse révèle également que les femmes déclarent le plus souvent exercer dans des secteurs du droit de la famille (66,6 % contre 33,4 % pour les hommes) et du droit du travail et de la protection sociale (57,4 % contre 42,6 % des hommes). 

Déni de reconnaissance du travail

Les situations que le rapport qualifie de « déni de reconnaissance de travail » sont jugées « très fréquentes » dans les relations de travail. Les comportements désobligeants sont signalés dans 80 % des cas par des femmes. Cela peut aller de remarques dévalorisantes au fait de confier des tâches perçues comme telles. 

Autre réalité : si 75 % des femmes et 50 % des hommes se disent été témoins de discrimination dans les cinq ans, en raison du sexe (22,4 %), de la maternité (19,7 %), ou de l’âge (17,3 %), ce sont majoritairement les femmes qui disent en avoir été victimes au cours des cinq dernières années. C’est seulement le cas pour 21 % des hommes.

Le fait d’être une femme « multiplie par quatre la probabilité de déclarer une situation de discrimination ». Des chiffres qui n’ont pas surpris Jacques Toubon. Le défenseur des droits a même introduit la présentation en déclarant que « l’on peut s’étonner que les situations de discrimination se rencontrent majoritairement à l’égard des femmes alors que la profession s’est féminisée. Mais la féminisation d’une profession socialement valorisée s’accompagne souvent d’une réaction de résistance de la part des hommes ». 

Les avocates et avocats sont a priori mieux armés que la moyenne car ils possèdent les connaissances et compétences nécessaires pour réagir face à ces situations. C’est pourquoi les chiffres détonnent : seuls 4,8 % des avocats et 4,7 % des avocates ont « cherché à faire reconnaître la discrimination ». 31, 8 % n’a rien fait du tout. Les raisons de « la résignation » ont également été sondées. La majorité (29,3 %) a répondu « parce que ça ne sert à rien », et 23,5 % ont jugées que les preuves étaient insuffisantes. La peur des représailles représente 21,3 % des réponses, hommes et femmes confondus. 

Des chiffres qui sont pris très au sérieux par les instances représentatives de la profession. Il était temps. Christiane Féral-Schuhl a fait valoir qu’un appel du 8 mars a été lancé en présence de la garde des Sceaux pour inciter les avocats à « faire remonter les situations de harcèlement et de discrimination ».

« Des chiffres édifiants », selon Marie-Aimée Peyron, bâtonnière du barreau de Paris qui rappelle « avoir pris en charge le problème depuis son élection ». Depuis le 6 janvier, a été votée l’inscription au règlement intérieur « les agissements sexistes » parmi ceux qui constituent un manquement professionnel. De même qu’elle a instauré « deux référents collaboration » Benjamin Pitcho et Valence Borgia, qui sont chargés de faire remonter aux instances de l’Ordre les situations de discriminations rencontrées par les collaborateurs (sur ce point, v. Dalloz actualité, 20 avr. 2018, art. T. Coustet isset(node/190311) ? node/190311 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190311).