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Un projet de loi pour un État « bienveillant et ouvert »

Instaurant un droit à l’erreur pour les citoyens, prévoyant de multiples expérimentations et ordonnances, le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance ambitionne de transformer la relation entre le public et les administrations.

par Marie-Christine de Monteclerle 29 novembre 2017

Ne l’appelez plus « Droit à l’erreur ». Après un faux départ avant l’été, c’est un projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance » que le conseil des ministres du 27 novembre a adopté. Un texte comportant à la fois des dispositions normatives et d’autres d’orientation et de programmation, contenues dans une annexe présentant une « stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France ». Un texte qui traduit une vision de l’État « bienveillant et ouvert » selon l’exposé des motifs.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent le droit à l’erreur et le droit au contrôle, introduits dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Le premier exclut la sanction lorsqu’une personne qui a « méconnu une règle applicable à sa situation » régularise celle-ci soit de sa propre initiative, soit à l’invitation de l’administration. Ce principe comporte néanmoins des exceptions. Il n’est pas applicable aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ; en cas d’infraction aux règles protégeant la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ; aux sanctions prévues par un contrat ni à celles prononcées par les autorités de régulation. Le gouvernement espère également convaincre les personnes physiques et morales de demander à l’administration de les contrôler. Ce contrôle doit être opéré « dans un délai raisonnable » et les conclusions expresses que l’administration en tirera lui seront opposables. Ce dispositif n’a pas déclenché l’enthousiasme du Conseil d’État qui estime, dans son avis, qu’il « pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de l’administration » en raison de l’insuffisance des moyens de celle-ci.

Un rescrit général et un certificat d’information

Dans la logique de ces nouveaux droits, le texte prévoit de développer le rescrit en matière fiscale et douanière et d’abaisser les pénalités dues par les contribuables négligents mais de bonne foi. Un droit au contrôle spécifique est établi pour les entreprises en matière fiscale. En cas d’infraction au droit du travail est créée une sanction d’avertissement. Un rescrit général est également introduit dans le CRPA, dont les domaines et modalités d’application devraient être définis par décret. Là aussi sont prévues des exceptions en matière de santé, sécurité et environnement et quand l’intérêt des tiers est en jeu. À titre expérimental, dans certains domaines, le demandeur pourrait joindre un projet de réponse qui serait réputé approuvé au bout de trois mois de silence. L’avis du Conseil d’État est assez critique, sur ce point comme sur la création d’un « certificat d’information » permettant à tout usager d’obtenir de l’administration, préalablement à l’exercice d’une activité, une information sur l’existence et le contenu des règles régissant celle-ci. Autres documents dont l’opposabilité aux administrations est généralisée : les circulaires et instructions, avec là aussi la réserve de la santé, de la sécurité, de l’environnement et des droits des tiers.

Une administration bienveillante doit aussi favoriser les modes alternatifs de règlement des conflits, d’où la création de comités qui approuveront les projets de transaction. Il s’agit d’éviter que le signataire de la transaction soit réticent, de crainte de voir sa responsabilité personnelle engagée.

Dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives d’ici 2022

L’administration issue de la loi Société de confiance doit aussi être « engagée dans la dématérialisation ». La stratégie nationale d’orientation prône la dématérialisation de l’ensemble des démarches administratives, en dehors de la première délivrance d’un document d’identité d’ici à 2022. Dans un premier temps, le projet prévoit notamment la dématérialisation des décisions relatives aux agents publics. Et, à titre expérimental, dans quatre départements pendant dix-huit mois, l’expérimentation d’une dispense de production de justificatifs papiers de leur domicile par les demandeurs de titres d’identité. Resurgit également le serpent de mer de la dématérialisation de la propagande électorale. À titre expérimental, dans un nombre limité de régions, certaines enquêtes publiques pourraient être remplacées par une consultation du public par voie électronique. Enfin, le texte devrait habiliter le gouvernement à expérimenter par ordonnance la dématérialisation de l’état civil géré par le ministère des affaires étrangères.

Le projet prévoit d’ailleurs de multiples ordonnances. Devraient être ainsi réformées les règles de gestion des indus de prestations sociales et de minima sociaux et celles relatives à l’accueil de la petite enfance. Ou encore expérimentées de nouvelles formes de rapprochement des établissements d’enseignement supérieur. C’est par ordonnances également que devraient être prises des mesures de simplification des normes de construction. Comme cela avait été annoncé lors de la présentation du plan logement (Dalloz actualité, 22 sept. 2017, obs. M.-C. de Montecler isset(node/186646) ? node/186646 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186646), les constructeurs devraient être autorisés à déroger aux règles dès lors qu’ils parviennent à des résultats équivalents. D’autres ordonnances doivent être prises pour faciliter les projets éoliens en mer ou la géothermie.

On notera enfin que, contrairement à ce qui avait été annoncé, le texte ne codifie pas la jurisprudence Danthony. Le gouvernement a été, semble-t-il, convaincu par le Conseil d’État qui a jugé cette mesure « inopportune, en ce qu’elle prive le juge de la possibilité de lui apporter les amendements nécessaires ». Il abroge simplement l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 qui en limitait, dans la loi, l’application aux irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme.

La demande en appréciation de régularité

L’une des innovations du texte devrait alourdir un peu plus la charge des juridictions administratives, comme le fait remarquer le Conseil d’État. Il s’agit, à titre expérimental, de permettre à l’auteur ou au bénéficiaire d’une décision en matière d’expropriation, d’urbanisme ou d’insalubrité de demander au tribunal administratif de se prononcer sur la légalité externe de celle-ci. Rendue publique pour permettre aux intéressés d’intervenir, cette demande suspend l’examen des recours contre la même décision. Si le tribunal constate la légalité externe de la décision, aucun moyen tiré de cette cause juridique ne peut plus être invoqué devant le juge par voie d’action ou d’exception.