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Une « rupture culturelle » en faveur des communes

Renforcement des pouvoirs du maire, suppression des « irritants de la loi NOTRe », amélioration des conditions d’exercice des mandats locaux… Le projet de loi Engagement et proximité vise à prouver la bonne volonté du gouvernement envers les communes.

par Marie-Christine de Monteclerle 19 juillet 2019

Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique comporte des mesures techniques mais il constitue aussi une « rupture culturelle », a revendiqué le ministre chargé des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, à l’issue du conseil des ministres du 17 juillet 2019. Après quinze ou vingt années de lois favorisant les collectivités de grande taille, ce texte ne traite quasiment que des communes, avec une attention particulière aux plus petites d’entre elles.

Pour les communes de moins de 1 000 habitants, l’État prendra ainsi en charge financièrement certains des nouveaux droits accordés aux élus locaux : remboursement des frais de garde d’enfants (ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées) pendant les réunions et souscription obligatoire d’une assurance de protection juridique pour le maire.

La revalorisation des indemnités reste à préciser

La revalorisation des indemnités, sur laquelle le gouvernement a beaucoup communiqué, n’est pas traitée à ce stade par le projet de loi. Elle devrait y être ajoutée au cours de la discussion parlementaire. Sébastien Lecornu veut offrir aux communes une marge de manœuvre beaucoup plus importante. Les conseils municipaux pourraient moduler librement les indemnités jusqu’au niveau applicable aux communes de 3 500 habitants pour supprimer l’effet de seuil qui aboutit à ce que l’indemnité du maire d’une commune de 490 habitants représente la moitié de celle de l’édile d’un village de 510 âmes.

Emmanuel Macron a aussi entendu, lors du grand débat, les maires se plaindre d’être dépossédés de leurs pouvoirs par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le projet prévoit ainsi de faciliter la modification des périmètres en permettant aux communautés de communes et d’agglomération de se scinder. La procédure de retrait dérogatoire permettant à une commune de se retirer d’une communauté de communes pour rejoindre un autre EPCI serait étendue aux communautés d’agglomération. En outre, la révision obligatoire des périmètres en 2022 prévue par la loi NOTRe est supprimée.

Après chaque renouvellement général des conseils municipaux, l’EPCI devra débattre de l’élaboration d’un pacte de gouvernance avec les communes. Dans ce cadre, pourront être créés des conseils des maires, qui seront obligatoires au sein des métropoles. Le pacte de gouvernance pourra également prévoir que le président de l’EPCI délègue au maire l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires et lui donner une autorité fonctionnelle sur les services communautaires installés dans sa commune. Par ailleurs, les conseillers communautaires pourront se faire remplacer par un autre élu de leur commune aux réunions de l’EPCI.

Eau et assainissement : et maintenant la délégation…

En matière de compétences, le projet prévoit de revenir partiellement sur deux transferts qui ont déjà donné lieu à des allers-retours législatifs : celui de l’eau et de l’assainissement (v. not. AJDA 2018. 1963, obs. B. Fargeaud ) et celui des offices de tourisme (v. AJDA 2017. 249, obs. A. Fuchs-Cessot ). Sur le premier, le gouvernement ne veut toujours pas revenir sur le transfert obligatoire en 2026. Mais il prévoit de permettre aux communautés de communes et d’agglomération de déléguer à la commune une partie ou la totalité de la compétence en conservant un pouvoir de contrôle. La commission intercommunalité de l’Association des maires de France a déjà jugé que le texte n’était « pas satisfaisant » sur ce point et réclamé le rétablissement du caractère optionnel du transfert. Par ailleurs, les communes classées station de tourisme qui n’avaient pas délibéré dans le délai prévu par la loi Montagne (v. AJDA 2017. 795, obs. M. Courrèges ) pourront à nouveau décider de reprendre la compétence « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme ». Enfin, le maire aura la possibilité de demander une modification du plan local d’urbanisme intercommunal concernant le territoire de sa commune.

Au-delà de ces deux grands chapitres, le gouvernement a entendu certaines demandes, souvent anciennes, des maires sur leurs pouvoirs de police (v. encadré) mais aussi sur leur besoin de sécurité juridique. Avant d’adopter un acte, toutes les collectivités territoriales pourront demander au préfet une « prise de position formelle relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leurs exécutifs ». Cette demande « est écrite, précise et complète », le silence du préfet pendant quatre mois valant absence de prise de position formelle. « Si l’acte est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l’État ne peut pas, au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, le déférer au tribunal administratif. »

Enfin – cela ne relève pas de la loi mais sera réalisé par décret – le gouvernement annonce le relèvement du seuil des marchés à procédure adaptée (probablement à 35 000 €).

Un renforcement des pouvoirs de police

Le projet de loi veut donner au maire les moyens de faire respecter ses décisions en matière de règles de sécurité des établissements recevant du public (ERP). En cas de non-respect d’un arrêté de fermeture d’un ERP, il pourra décider d’une astreinte, d’un montant maximal de 500 €, et même faire procéder d’office à la fermeture du lieu. La possibilité d’astreinte est étendue à l’ensemble des immeubles menaçant ruine (et plus seulement ceux à usage principal d’habitation). Le maire pourra également demander au préfet de lui déléguer la police des débits de boissons.