Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Vers l’adoption du projet de loi de transformation de la fonction publique

Après un passage rapide au Parlement, qui l’a cependant amené à tripler de volume, le projet de loi de transformation de la fonction publique devrait être adopté avant la fin du mois de juillet.

par Marie-Christine de Monteclerle 11 juillet 2019

Comme le gouvernement l’espérait, le projet de loi de transformation de la fonction publique devrait être définitivement adopté avant la fin de la session extraordinaire. Un accord en commission mixte paritaire (CMP), le 4 juillet 2019, ouvre la voie à un vote des députés le 18, puis des sénateurs le 24. Comptant trente-six articles à l’origine, le texte dépasse largement la centaine à l’issue de la CMP. Mais les orientations majeures du gouvernement ont été préservées.

Dialogue social : recentrage ou rétrécissement ?

C’est ainsi que le Parlement a entériné la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de comités sociaux, d’administration pour la fonction publique de l’État, territoriaux, pour la fonction publique territoriale, et d’établissement pour la fonction publique hospitalière. Ces instances seront notamment consultées sur les lignes directrices de gestion. Innovation du projet de loi, celles-ci déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines.

Les commissions administratives paritaires voient leurs compétences réduites aux sujets les plus susceptibles de fâcher : titularisation, temps partiel, disponibilité, évaluation, discipline, licenciement pour insuffisance professionnelle, etc. En compensation, les fonctionnaires pourront se faire assister d’un représentant syndical pour contester les décisions en matière de promotion, avancement et mutation.

Enfin, une question majeure est renvoyée à une ordonnance, qui devra favoriser la conclusion d’accords négociés dans la fonction publique aux niveaux national et local. Celle-ci définira notamment les cas et conditions dans lesquels les accords majoritaires disposent d’une portée ou d’effets juridiques.

Élargissement du recours au contrat

Le texte élargit de façon importante les possibilités de recours aux contractuels. Sont notamment concernés les emplois de direction de l’État ; les emplois fonctionnels des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 40 000 habitants ; tous les emplois des communes de moins de 1 000 habitants et des groupements de communes de moins de 15 000 habitants ; les emplois de direction de la fonction publique hospitalière ; tous les emplois des établissements publics de l’État et ceux qui ne nécessitent pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation. Par ailleurs, le contrat de projet concerne toutes les catégories et a une durée minimale d’un an et maximale de six ans pour « mener à bien un projet ou une opération déterminée ».

Cet élargissement est entouré de quelques garde-fous. Sauf pour certains emplois supérieurs, le recrutement de contractuels est prononcé « à l’issue d’une procédure permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics ». Une obligation de publicité de la création et de la vacance des emplois est réaffirmée. Les contractuels recrutés pour moins d’un an, à un salaire inférieur à un plafond (qui devrait être de 2 000 € par mois) bénéficieront d’une indemnité de fin de contrat. Les agents en contrats à durée indéterminée pourront quitter l’administration par voie de rupture conventionnelle, modalité de cessation des fonctions qui sera expérimentée pour les fonctionnaires, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025.

Les fonctionnaires et contractuels quittant l’administration, mais aussi certains de ceux y arrivant, devront se soumettre à un contrôle déontologique rénové. Celui-ci sera transféré à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et ne sera plus systématique que pour certains emplois. La Haute Autorité, dont la composition est revue, bénéficiera de pouvoirs supplémentaires pour faire respecter ses avis.

Faciliter le départ des fonctionnaires vers le privé est un objectif clairement affiché de la loi. Ainsi, en cas de transfert de l’activité de leur service à une entreprise, les fonctionnaires pourront être détachés d’office auprès de celle-ci. La reconversion dans le privé est également envisagée pour les fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi (FMPE). À l’initiative du Sénat, le texte revoit en profondeur l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 pour encourager le reclassement des FMPE mais aussi limiter dans le temps leur prise en charge.

Encadrement du droit de grève

Autre mesure concernant la fonction publique territoriale souhaitée par le Sénat : l’encadrement, par accord ou délibération, du droit de grève pour assurer la continuité de certains services publics (collecte et élimination des déchets, transports publics, aide aux personnes âgées et handicapées, accueil des enfants de moins de trois ans, accueil périscolaire, restauration collective et scolaire). Les agents de ces services devront déclarer à l’avance leur intention de faire grève.

Les sénateurs sont aussi à l’origine de la suppression des conseils de discipline de recours, mesure qui s’applique également aux fonctions publiques de l’État et hospitalière. C’est en revanche le gouvernement qui est à l’origine de la réforme de la procédure disciplinaire au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Statuant en matière disciplinaire, cet organe sera présidé par conseiller d’État.

La loi prévoit, enfin, une série de réformes qui seront menées par ordonnances : protection sociale complémentaire, congés de maladie, partie législative du code général de la fonction publique, rapprochement des établissements de formation. Le sujet le plus sensible concernera, bien sûr, les modalités de recrutement des corps et cadres d’emplois de catégorie A qui devront être revues « dans le respect des spécificités des fonctions juridictionnelles ».

Les conseillers techniques sportifs échappent au détachement d’office

Un amendement à l’article sur le détachement d’office adopté à l’Assemblée nationale avait provoqué de vives réactions dans le monde sportif. Il prévoyait un tel détachement pour les fonctionnaires qui exercent leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé, ce qui semblait viser les conseillers techniques sportifs (CTS), fonctionnaires du ministère des sports travaillant dans les fédérations sportives. Les CTS contestent depuis des mois le souhait du gouvernement de les transférer à ces fédérations. Les sénateurs ont obtenu, à la dernière minute en commission mixte paritaire, le maintien de l’amendement qu’ils avaient voté pour exclure explicitement les CTS de ce mécanisme.