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Le quotidien du droit en ligne

« Je vais tout dire à mon employeur, je pars sur la base de l’honnêteté. »

Yann arrive dans le couloir, précédé par le crissement de ses baskets. Il s’assied, fouille dans une chemise à élastiques, puis repart vers l’accueil. Les baskets reviennent, rapidement suivies de Yann. Grand, barbu, avec une veste de moto, il a demandé une semi-liberté. « Vous avez une compagne et une fille d’un peu plus d’un an, mais vous n’habitez pas ensemble ? », demande le JAP. « Non, il me fallait un CDI, je viens juste de l’avoir, après deux CDD ».

« Pour moi, cette peine d’un mois s’arrête ici. »

Grand et mince, presque émacié, Mohammed s’assied, pose soigneusement sa casquette face à lui et rectifie plusieurs fois son alignement avec le bord de la table. Cette fois-ci, il y a une greffière dans le cabinet, puisque c’est une notification de jugement. Techniquement, le juge pourrait le faire signer dans le couloir, voire l’adresser par recommandé, mais il préfère procéder de vive voix. D’autant que Mohammed habite un peu là où le vent le porte.

« Vous me croyez quand je vous dis que cette peine, elle est vraie ? »

Saidou était convoqué il y a quelques semaines mais ne s’était pas présenté. Par contre, il avait appelé en catastrophe après avoir découvert le soir même la convocation dans le courrier qui arrive chez ses parents : « c’est déjà une bonne chose », estime le juge.

« Je ne vais pas vous mettre 150 000 € non plus »

L’avocat tient à changer le prénom de son client, alors on le laisse choisir : ce sera Jean-Luc. Condamné en 2017 à quatre mois ferme et 700 € d’amende pour conduite après usage de stupéfiants, « Jean-Luc », donc, vit chez sa mère et travaille dans un restaurant : « c’est dans le XVIe, quelque chose de réputé », précise l’avocat, à l’évidence fine gueule. « J’ai regardé votre casier, seulement quatre condamnations en quinze ans, mais elles concernent toutes la conduite », dont trois fois pour de l’alcool.

Par contre, maître, c’est vous le juge ?

Interpellé pour conduite sans permis (et donc sans assurance), Franck a écopé (en… 2016) de quatre mois ferme. « Je vous ai convoqué pour voir s’il est possible d’aménager cette peine, et donc de l’exécuter hors de prison », préambule le JAP. « C’est gentil », répond benoîtement Franck. « Je ne prendrai pas de décision aujourd’hui, je veux juste faire un premier point sur votre situation. » Marié, trois enfants, il est manutentionnaire en intérim et gagne tantôt un peu plus, tantôt un peu moins de 1 000 €.

Introduction

Soigneusement encadrée, l’ordonnance de 1958 trône en bonne place dans le cabinet de la première vice-présidente, et elle est du genre sommaire sur la question du juge de l’application des peines (JAP) : les vingt articles occupent tout juste une feuille A4. À son entrée dans ces fonctions, elle avait aussi reçu trente feuilles volantes de plus pour la guider : désormais, le fascicule fait plus de 700 pages.