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Reportage 

Une journée avec… une juriste spécialisée dans le droit d’asile

Accueillie dans la structure associative du « Kiosque » Emmaüs France Terre d’Asile dans le Xe arrondissement de Paris, notre rédactrice a suivi la juriste Mélina Micouleau dans une journée de travail ordinaire auprès des demandeurs d’asile.

par A. Coignacle 4 avril 2011

Déroulement de la journée

Un emploi du temps bien rôdé
À 9 h 30 ce lundi matin, une dizaine de personnes patiente dans la salle d’accueil du Kiosque, un courrier administratif à la main. Ils sont migrants (7 afghans et 1 mauritanien) et la majorité ne comprend pas le français. Ce jour-là, comme souvent, les premiers échanges se déroulent donc en anglais avec l’équipe qui consacre son lundi matin aux entretiens sans rendez-vous. Les juristes (deux femmes) vont éplucher et recouper chacun des documents présentés, interroger les usagers sur leur situation, appeler un interprète si nécessaire. Elles doivent comprendre et expliquer l’état d’avancement des dossiers, les convocations, les délais de recours, l’ouverture des droits, les décisions prises par les autorités compétentes. Et ce jusqu’à 16 h 30. À la fin de la journée, les deux jeunes femmes se chargent des tâches annexes comme la rédaction des fiches de suivi et le courrier.
Depuis deux ans que la structure existe, un emploi du temps hebdomadaire s’est institué, avec une certaine flexibilité. Des rendez-vous individuels sont fixés toute la semaine et un mercredi sur deux est dédié aux réunions d’information collective, généralement à destination des primo-arrivants. Leur objectif est de présenter la structure, le rôle de chacun, les procédures de demande d’asile, en particulier sur la procédure Dublin II et les droits sociaux. Chaque mardi et jeudi après-midi, les employés se réunissent en groupe de travail pour discuter des dossiers en cours et reprendre les récits d’histoires personnelles, lesquels précèdent l’entretien décisif avec le juge ou « officier de protection » de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides).

Les visages du Kiosque
« La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité ». Cette citation d’Albert Camus flotte au mur du Kiosque comme la promesse d’une assistance sociale et administrative à qui poussera la porte. Regards d’orient et d’Afrique, noirs et brumeux, visages jeunes et fatigués, marqués par le voyage, la dureté du départ et de l’arrivée en France. Ils sont deux cents en moyenne, dont cent primo-arrivants, à être accompagnés chaque mois par l’équipe du 218, rue du Faubourg-Saint-Martin. Pour la plupart, se sont de jeunes hommes d’environ vingt-six ans, migrants, seuls. Ils ont voyagé cinq, six, dix mois, ou plus d’un an, pour quelques milliers d’euros donnés à un passeur. L’ouverture du Kiosque a été sollicitée et financée par la mairie du Xe arrondissement afin de faire face à l’affluence des afghans dans le square Villemin, fermé depuis.
Mélina Micouleau et Nawel Boumediene, toutes deux employées par l’association France Terre d’Asile (FTDA), assurent le suivi juridique des usagers pendant que deux animateurs socio-éducatifs d’Emmaüs gèrent l’accueil et l’orientation. Formées au droit d’asile, les deux juristes ont dû apprivoiser tous les mécanismes, le jargon, les acronymes, s’informer sur les acteurs institutionnels et associatifs pour mieux pointer les failles du système. Aujourd’hui, elles maîtrisent toutes les ficelles des procédures de demande d’asile. En particulier, la « Procédure Dublin II » qui constitue la matière vive de leurs missions.

La procédure Dublin II
Adopté en 2003, le règlement Dublin II prévoit le renvoi de tout demandeur d’asile vers l’État membre de l’Union européenne (UE) responsable de son dossier : généralement le premier État à avoir enregistré ses empreintes digitales. Cette législation touche 75 % des usagers du Kiosque : ceux arrivés en France illégalement et contrôlés dès leur entrée sur le sol européen (par la Grèce, l’Espagne…) après un long voyage terrestre ou maritime, ou ceux qui ont bénéficié d’un visa délivré par un autre pays membre de l’UE.
Le fichier Eurodac, créé par le règlement, a resserré la procédure en mutualisant l’accès aux informations sur les migrants entre les pays de l’UE. Pourtant, la plupart des personnes suivies au Kiosque en procédure Dublin II a finalement été admise au séjour en France au titre de l’asile, après des mois de recours. Ainsi, grâce à l’intervention des juristes, soixante-cinq personnes ont reçu une autorisation provisoire de séjour (APS) en 2010. Un chiffre à nuancer puisque le Kiosque ne comptabilise que celles qui leur sont déclarées.
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