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Opposabilité de la clause attributive de juridiction au tiers porteur d’un connaissement maritime

Les deux arrêts prononcés simultanément, le 16 décembre 2008, l’un par la première chambre civile, l’autre par la chambre commerciale de la Cour de cassation, consacrent une évolution et une convergence de ces deux formations sur la délicate question de l’opposabilité au tiers des clauses attributives de juridiction contenues dans des connaissements maritimes.

par X. Delpechle 5 janvier 2009

L’opposabilité de la clause attributive de juridiction insérée dans un connaissement émis à l’occasion d’un transport maritime international de marchandises au tiers porteur est une question irritante, qui a donné lieu pendant longtemps à une divergence de jurisprudence entre la première chambre civile et la chambre commerciale. Cette divergence est aujourd’hui totalement gommée, grâce à deux arrêts de principe, rendus simultanément par ces deux formations, tous deux promis à la plus large diffusion. Il ne s’agit toutefois pas, du moins à première vue, d’un alignement d’une chambre sur l’autre, mais, une fois n’est pas coutume, le juge communautaire aura été le trait d’union entre ces deux formations, puisque c’est la position de ce dernier qui est aujourd’hui purement et simplement adoptée. La Cour de justice des communautés s’est en quelque sorte muée à son insu en une chambre mixte de la Cour de cassation, réunie, on le sait, afin d’aplanir les différences de jurisprudence entre les diverses formations de la juridiction suprême. Voilà un rôle somme toute inédit !

Les termes du débat, passablement complexes, méritent d’être posés à titre liminaire. Il est fréquent qu’une clause attributive de juridiction (ou une clause compromissoire) soit stipulée dans un connaissement maritime, titre qui définit les droits et obligations des parties au contrat de transport, spécialement le transporteur et le chargeur, et qui contient donc généralement à ce titre une clause attributive de juridiction. En pratique, elle va souvent désigner le tribunal choisi par le transporteur, et lui seul, puisque c’est lui qui établit le connaissement. Se pose d’abord la question de savoir si, d’une part, en cas de litige entre le chargeur (ou expéditeur de la marchandise) et le transporteur, la clause dérogatoire de compétence s’impose. Ce n’est pas celle qu’il nous est donné de connaître dans les arrêts du 16 décembre 2008, mais elle n’est a priori pas insurmontable : le chargeur étant partie ab initio au contrat de transport, il a normalement pu discuter les termes du connaissement et, par conséquent, donner son accord à la clause attributive de juridiction en parfaite connaissance de cause. Ce dont il s’agit ici est de savoir si cette clause du contrat de transport est opposable au destinataire de la marchandise (ou à son assureur subrogé, car il l’a indemnisé du préjudice subi), ce qui ne va en revanche pas du tout de soi, puisque le destinataire est à l’origine un tiers, qui ne devient partie au contrat de transport qu’ultérieurement, précisément au moment où celui-ci s’achève normalement, c’est-à-dire au moment où il prend livraison de la marchandise transportée. Le contexte fait qu’il est alors beaucoup moins évident que le destinataire ait pu manifester son consentement sur les termes du contrat de transport, spécialement en ce qui concerne la clause dérogatoire de compétence. La figure contentieuse est généralement la suivante : le destinataire assigne en responsabilité le transporteur, car les marchandises transportées ont subi une avarie, a priori imputable à ce dernier (c’était bien d’une avarie qu’il s’agissait dans l’arrêt de la chambre commerciale ; en revanche, dans celui de la première chambre civile, les marchandises transportées n’ont même jamais été livrées au destinataire, car elles ont été saisies par un créancier du transporteur avant leur livraison finale). Le destinataire ou son assureur assigne alors le transporteur en indemnisation du préjudice subi devant le tribunal du lieu de la livraison, et si ce tribunal se reconnaît compétent, le transporteur forme un contredit, invoquant la compétence du tribunal désigné dans la clause litigieuse.

En réalité, il convient d’avoir à l’esprit que la marchandise transportée est susceptible d’être vendue, parfois plusieurs fois, en cours de transport. Le droit de chaque propriétaire...

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