Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Réforme de la procédure pénale : interview de Michèle Alliot-Marie

Depuis l’annonce de la suppression du juge d’instruction et de la réforme de la garde à vue, la procédure pénale est au cœur du débat judiciaire. L’avant-projet de refonte du code de procédure pénale, rendu public le 1er mars 2010, dépasse évidemment le cadre de ces deux sujets. Les questions sur cette réécriture complète sont innombrables. La Rédaction Dalloz s’en est entretenue avec Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice et garde des Sceaux.

par Rédaction Dallozle 15 mars 2010

Rédaction Dalloz : pour quelle(s) raison(s) le ministère s’est-il lancé dans la réécriture complète du code de procédure pénale ?

Michèle Alliot-Marie : La procédure pénale française a connu près de quarante réformes législatives depuis l’entrée en vigueur du code actuel. Ces modifications par strates successives ont abouti à une procédure pénale illisible pour le justiciable et complexe pour les praticiens. Elle génère une insécurité juridique croissante et n’est aujourd’hui plus compréhensible pour les citoyens.

La justice est un des fondements de notre unité nationale. En disant le droit, en le faisant respecter, en assurant l’égalité de tous devant la loi, en protégeant les plus faibles, elle assure notre « vivre ensemble ». Pour remplir totalement cette fonction, elle doit être comprise par tous les citoyens. C’est la raison pour laquelle, au-delà d’une énième réécriture de certains articles du code, j’ai estimé qu’il fallait une véritable refondation de la procédure pénale.

Rédaction Dalloz : pourquoi modifier la terminologie par exemple en distinguant action publique/action pénale ou en faisant disparaître le mis en examen au profit de la partie pénale ?

Michèle Alliot-Marie : Le terme action publique a aujourd’hui deux sens. Il s’agit en premier lieu de la poursuite d’un individu devant une juridiction ou de l’ouverture d’une enquête : on parle dans cette hypothèse de mise en mouvement de l’action publique.

En second lieu, l’action publique c’est aussi le terme qui regroupe l’ensemble de l’activité du parquet, comprenant non seulement les poursuites et les enquêtes mais également l’action du parquet devant les juridictions civiles et commerciales, la politique de prévention de la délinquance et plus largement la politique pénale.

Afin de clarifier ces deux concepts distincts, le texte propose de séparer l’action publique, qui donne lieu à des circulaires de politique générale du garde des Sceaux, de l’action pénale, qui s’appliquera à un dossier particulier.

Le concept de partie pénale est quant à lui la manifestation de la volonté d’une procédure véritablement contradictoire : tous les acteurs de la procédure pénale bénéficieront de droits étendus, liés à leur qualité de partie à la procédure.

Un individu contre lequel existent des indices graves ou concordants rendant plausible sa participation à une infraction est évidemment une partie. A ce titre, il bénéficie de droits renforcés tout au long de la procédure.

Le témoin assisté est parallèlement remplacé par la partie assistée, conformément à l’objectif d’égalité des armes entre toutes les personnes concernées par la procédure. L’avant projet consacre donc un modèle contradictoire dans lequel partie pénale, partie assistée, partie civile et partie citoyenne ont les mêmes droits.

Rédaction Dalloz : comment s’est déroulée la phase d’écriture de l’avant-projet ? Avec quels intervenants ? Quelles garanties avez-vous prises pour vous assurer de la constitutionnalité de ce projet et de sa compatibilité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ?

Michèle Alliot-Marie : Comme je l’avais annoncé, après la remise du rapport Léger, j’ai, dès le mois de septembre organisé deux groupes de travail pour préparer cet avant-projet. Le premier, présidé par mon directeur de cabinet, a regroupé des magistrats et avocats de terrain. Il s’est attaché à préparer un système cohérent et efficace pour les praticiens, à partir d’un pré-projet rédigé par la direction des affaires criminelles et des grâces.

J’ai ensuite réuni chaque semaine un groupe comprenant, outre des magistrats, des parlementaires de la majorité et de l’opposition, dont plusieurs avocats de profession, et un professeur de droit. Nous avons repris chaque article, l’un après l’autre, chaque phrase, en nous attachant à garantir la cohérence, la lisibilité et la clarté du projet.

Nous avons ajouté des définitions pour permettre une meilleure compréhension du projet même par le non spécialiste. Cela n’a pas été le plus facile.

Nous avons recherché à tout moment comment renforcer la cohérence, y compris pour les différents délais de la procédure.

Tout au long de notre travail, nous avons pris en compte les contraintes constitutionnelles et conventionnelles. L’avant-projet qui est présenté prend en compte plusieurs décennies de jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Les droits consacrés par ce texte seront pleinement effectifs, car il serait hypocrite d’afficher dans la loi des garanties dont les citoyens ne pourraient bénéficier dans la pratique.

L’équilibre du système proposé repose sur les nouvelles juridictions de l’enquête et des libertés. Le texte donne au juge de l’enquête et des libertés un rôle de gardien de l’équité de l’enquête. Au premier chef, il statue en cas de contestation sur l’attribution ou non de la qualité de partie : partie...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :