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Absence de convention d’honoraires : l’incertitude de la sanction

Alors que la question de la sanction de l’absence de convention d’honoraires reste incertaine depuis la loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015 qui, modifiant l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, généralise l’exigence d’une telle convention, on signalera, pour mieux souligner leur ambiguïté, deux arrêts de la cour d’appel de Limoges du 12 septembre 2017, récemment mis en ligne sur le site Legifrance.

par Laurent Dargentle 16 novembre 2017

Par une formule générale et identique aux deux espèces, les juges d’appel, rappelant que « l’article 10 de la loi de 1971, modifié par la loi du 6 août 2015, prescrit que ces honoraires sont fixés par convention », posent en principe, qu’« à défaut, l’honoraire est fixé en fonction des usages de la fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et de ses diligences ». Ils ajoutent par ailleurs que « d’une manière générale il appartient déontologiquement à tout conseil d’informer son client du coût prévisible de la procédure et en cas de contestation d’honoraires de justifier d’un minimum d’information ».

À prendre la formule à la lettre, ces deux décisions semblent ainsi prendre le contre-pied d’un précédent arrêt de la cour d’appel de Papeete du 2 août 2017 (V. nos obs., Dalloz actualité, 12 sept. 2017 isset(node/186462) ? node/186462 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186462) qui, statuant pour la première fois sur la portée de l’absence d’une convention d’honoraires depuis la loi du 6 août 2015, avait jugé qu’à défaut d’une telle convention, l’avocat n’a droit à aucun honoraire, faisant ainsi de l’exigence d’une convention écrite une condition ad validatem. Le renvoi ainsi opéré aux critères aux termes desquels l’honoraire doit être fixé, qui figurent désormais à l’alinéa 4 de l’article 10 modifié, permettrait de pallier l’absence de convention. Une lecture qui justifierait, à n’en pas douter, une large diffusion.

Il reste qu’une telle interprétation semble devoir être sérieusement réservée dans ces deux espèces relatives à la contestation des honoraires d’avocats par leurs clientes qui leur avaient confié la défense de leurs intérêts pour les représenter et les assister dans leur procédure de divorce.

Ainsi, dans le premier arrêt (n° 16/014221), la convention d’honoraires, signée en 2011, ne faisait pas défaut, bien au contraire. Elle fixait clairement les honoraires en fonction d’un barème des actes accomplis selon leur nature, sans les limiter à un seul acte pour chacune d’elle, afin de répondre en conséquence aux besoins de la procédure. Et la cour d’appel de juger que les honoraires fixes réclamés par l’avocat constituent la légitime rémunération du travail qu’elle a effectué dans une procédure de divorce qui a duré cinq ans et nécessité, outre l’ouverture du dossier et les entretiens, la rédaction de nombreux actes et conclusions et la présence de l’avocat aux audiences de plaidoirie. Elle ajoute qu’il en est de même de l’honoraire complémentaire, la cliente ayant été parfaitement informée qu’il rémunère la réalisation et le résultat obtenu, au taux de 10 % hors taxe sur les sommes allouées au titre de la prestation compensatoire, des dommages et intérêts et du partage. Enfin, elle précise qu’en prenant comme base de calcul la table de capitalisation pour les rentes viagères et en la limitant à cinq années, l’avocat a justement fixé l’honoraire complémentaire qui rémunère légitimement le travail accompli durant cinq ans pour la défense des intérêts de sa cliente dans sa procédure de divorce.

Dans le second arrêt (n° 16/014751), une cliente avait signé en 2015 une convention d’honoraires dans laquelle elle confiait la défense de ses intérêts à un avocat dans une procédure de divorce l’opposant à son époux et qui fixait un honoraire de 150 € HT par heure au temps passé par l’avocat, avant qu’un désistement d’instance ne soit constaté par le juge. La cliente devait cependant ensuite « solliciter son avocat pour poursuivre son assistance à la suite de la seconde requête en divorce déposée par le mari en janvier 2016, sur la base en conséquence de la convention d’honoraires de juin 2015 ». C’est dans ce cadre, que la cour d’appel de Limoges juge que la cliente était ainsi bien informée du coût horaire de la prestation de son conseil et de la facturation au temps passé. Elle ajoute que les honoraires réclamés par l’avocat constituent la légitime rémunération du travail effectué dans la procédure de divorce opposant la cliente à son mari jusqu’à l’ordonnance de non conciliation et que ce travail ne saurait être ramené à une réitération pure et simple du dossier préparé dans la procédure avant désistement, alors qu’il a correspondu à au moins un rendez-vous, la préparation des audiences de renvoi et de plaidoirie, celle des conclusions tenant compte de l’évolution de la situation et des demandes, de la présence et la défense aux audiences de renvoi et de plaidoirie.

On le voit, si la mention, dans la seconde espèce, d’un renvoi en 2016 à la convention signée en juin 2015 pouvait éventuellement interroger sur l’application de la loi Macron, le premier arrêt ne laisse aucun de doute quant à la nécessaire application du droit antérieur, alors que dans le même temps, l’absence de convention n’était relevée dans aucune des deux affaires. Aussi, ne nous semble-t-il pas opportun de voir dans ces deux arrêts une contradiction à l’arrêt de la cour d’appel de Papeete du 2 août 2017, dès lors que les faits de ces décisions ne relèvent pas du même droit applicable; ce qui n’obère en rien une éventuelle opposition à venir des cours d’appel, entre exigence ad validatatem ou ad probationem de la convention d’honoraires (sur cette alternative, V. nos obs. préc.).