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Bis repetita en matière d’assurance pertes d’exploitation sans dommages : les juges au carrefour des opportunités

Comme en décembre 2022, la Cour de cassation donne raison à l’assureur et fait produire son effet à la clause d’exclusion de garantie conduisant à empêcher un restaurateur d’obtenir l’indemnisation des pertes subies pendant la crise de la covid-19. L’opportunité semble constituer pour le moment la principale boussole des juges. Elle pousse le juge du droit à une prudence qui nous semble, au regard des rapports récents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), excessive.

L’affaire présentée paraît désormais étrangement familière. Et pour cause, la décision rendue en 2023, objet de ces quelques observations, constitue un quasi-copié-collé des quatre décisions rendues le mois dernier par la même chambre de la Cour de cassation (Civ. 2e, 1er déc. 2022, n° 21-19.343, n° 21-15.392, n° 21-19.342, n° 21-19.341, FS-P+B+R, S. Porcher, Assurance pertes d’exploitation et covid-19 : la réponse de la Cour de cassation, Dalloz actualité, 16 déc. 2022 ; D. 2022. 2222 ; RGDA 2022/12, p. 21 ; Gaz. Pal. 13 déc. 2022, p. 23) et qui apportaient une réponse particulièrement attendue (v. not. en raison d’une certaine opposition naissante entre les juges du fond, A. Zaroui, Covid-19 et pertes d’exploitations : analyses des premiers jugements rendus au fond, Éditions législatives, 25 sept. 2020) – et, pour beaucoup, particulièrement décevante (v. not., R. Bigot et A. Cayol, Chronique de droit des assurances, Lexbase Droit privé, n° 928, 15 déc. 2022) – à la question de la mise en œuvre des contrats d’assurance « multirisque professionnelle » proposés par la société AXA dans le contexte de la fermeture administrative des bars et restaurants durant l’épidémie de la covid-19.

Ces contrats sont eux-mêmes devenus familiers au lecteur régulier des chroniques de droit des assurances. Cela fait maintenant plus de deux ans, en effet, que la doctrine s’est saisie, parfois même en plein cœur de la crise sanitaire, de cette question (P.-G. Marly, Covid-19, Assurance-0 ? Libre propos sur la couverture des pertes d’exploitation liées à la crise sanitaire, BJDA n° 68, mars 2020 ; R. Bigot et C. Rodet, Les enjeux de la pandémie sur l’assurance, in A. Cayol et R. Bigot [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 54 s. ; A. Pélissier, Les pertes d’exploitation dans tous leurs états, RGDA n° 5, mai 2020, p. 29 ; L. Mayaux, Pertes d’exploitation : le contrat d’assurance dans une zone de turbulences, L’Argus de l’assurance, 5 mai 2020 ; Les assureurs de dommages et le covid-19 : droit, politique et communication, BRDA 10/20, inf. 19, nos 12 s. ; D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29 ; L. Vogel et J. Vogel, Les contentieux commerciaux liés à la crise sanitaire et leurs enseignements, JCP E 2021. 239 ; R. Bigot, A. Cayol et A. Charpentier, Risque de pandémie, pertes d’exploitation et incertitudes des garanties assurantielles, RCA 16 juin 2022, p. 13) avant de se lancer dans l’examen attentif des premières décisions rendues par les juges du fond (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’Axa, Dalloz actualité, 28 mai 2020 ; A. Zaroui, Covid-19 et pertes d’exploitations : analyses des premiers jugement rendus au fond, préc. ; V. Morales, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Droit privé n° 840, 15 oct. 2020 ; S. Andjechaïri-Tribillac, Covid-19 : condamnation de l’assureur à indemniser les pertes d’exploitation du restaurateur, Dalloz actualité, 11 mars 2021). Il s’agissait notamment de faire écho aux allégations « fantaisistes » d’AXA (pour reprendre les termes de T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020, obs. R. Bigot ; JT 2020, n° 232, p. 12, obs. X. Delpech ) qui brandissait « l’épouvantail du risque de faillite sériel des compagnies » (R. Bigot, préc.) afin d’en appeler à un régime de solidarité nationale (N. Thouet, Coronavirus : Thomas Buberl (AXA) favorable à la création d’un régime d’assurance pandémie, L’Argus de l’assurance, 6 avr. 2020) déchargeant les assureurs de leurs obligations de couverture des sinistres.

Malgré cette familiarité, et au regard des enjeux juridiques et économiques particulièrement importants de ces solutions, il n’est pas inutile de revenir sur le contenu de l’affaire. Comme en décembre 2022, le contrat objet de la présente affaire est le contrat d’assurance « multirisque professionnelle » proposé par AXA et comprenant une garantie «...

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