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Conditions matérielles de détention à la maison d’arrêt de Limoges

Saisi par l’Ordre des avocats du Barreau de Limoges et par la section française de l’Observatoire international des prisons, le juge des référés enjoint l’administration de distribuer des couvertures supplémentaires, des kits d’entretien et d’hygiène, ainsi que des paravents destinés à assurer l’intimité des détenus. 

Si l’on sait que la surpopulation carcérale est un sujet préoccupant les politiques criminelles du XXIe siècle (M. Giacoppelli, La limitation de la détention dans la loi Justice : encore du courage…, AJ pénal 2024. 25 ), l’on sait aussi à quel point cette surpopulation est disparate selon les natures des lieux de privation de liberté destinés à assurer l’exécution d’une peine. Ainsi, selon les sources du ministère de la Justice, là où les maisons centrales et les quartiers de maison centrale connaissent une densité carcérale de 82 %, les centres de détention sont occupés à 98 %, tandis que les maisons d’arrêts, expression paroxysmique de cette situation, connaissent un taux d’occupation de 155 %. Même si cette tension n’est pas sans incidence sur la capacité de l’administration pénitentiaire à organiser l’exécution de la peine, les lieux de privation de liberté ne sont pas moins responsables des conditions matérielles de détention qu’ils ont la charge de rendre suffisamment « digne » pour ne pas exposer l’État français à une violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La maison d’arrêt de Limoges s’inscrit dans ce sinistre tableau. En 2008, une visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) faisait part du taux d’occupation très préoccupant de plus de 216 % dans le quartier des hommes et de 170 % dans celui des femmes. Cette surpopulation, qui allait de pair avec des conditions indignes de détention en étant soit son corollaire, soit sa cause, restreignait les détenus à vivre dans moins de 3m2 par personne, trois par cellule. Cette situation alarmante était confirmée par les visites successives du CGLPL (1re visite en déc. 2008, 2e visite en déc. 2011, 3e visite en janv. 2022) qui concluait, dans son troisième rapport, que « la tonalité des éléments signalés en 2022 est comparable à celle de 2008 », tandis que le taux d’occupation du quartier des femmes s’élevait cette fois à plus de 200 %. Au terme de cinquante recommandations, le CGLPL signalait cette situation au ministre de la Justice qui assurait de l’attention qu’il portait à la maison d’arrêt de Limoges.

Aux visites effectuées par le CGLPL se sont ajoutées celles diligentées par l’ordre des avocats du Barreau de Limoges, une première fois par l’intermédiaire du bâtonnier Villette le 21 décembre 2022 et une seconde fois par le bâtonnier Doudet le 6 novembre 2024. À la suite de cette dernière visite, le bâtonnier Doudet et la section française de l’Observatoire international des prisons, auxquels s’est jointe la Ligue des droits de l’homme, ont saisi le juge administratif en référé-liberté dans le but de faire constater et cesser les atteintes aux libertés fondamentales provoquées par les conditions indignes de détention. Le juge des référés du Tribunal administratif de Limoges a rendu son ordonnance le 16 décembre 2024, accompagné d’un communiqué de presse.

Les demandes rejetées

Se considérant régulièrement saisi, notamment à l’égard de la condition d’urgence qui se trouve remplie « compte tenu de la vulnérabilité des détenus et de leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration », le juge administratif examine l’ensemble des demandes dont il est saisi, à commencer par celles qui débordent le cadre de son office. Juge de l’urgence, le juge des référés ne peut qu’enjoindre à l’administration des mesures provisoires « en tenant compte des moyens dont [elle] dispose » (§ 9). Rengaine bien connue de ce contentieux, excèdent l’office du juge des référés toutes les demandes qui tendent à la mise en place de moyens structurels (CE 28 juill. 2017, n° 410677, Dalloz actualité, 31 juill. 2017, obs. M. B ; Lebon avec les concl. ; AJDA 2017....

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